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Table ronde modérée par Florence Noiville, journaliste (Le Monde)
avec : Roselyne Abbou (chargée de mission auprès de Catherine Klein IA-IPR et auprès du groupe Lettres de l'inspection pédagogique de l'Académie de Paris), Dominique Arot (président de l'ABF), Bruno Racine (président de la BNF), Myriam Diocaretz (secrétaire générale de la Fédération des Associations Européennes d'ecrivains), Denis Zwirn (président de Numilog).

Florence Noiville
Bonjour et merci d'être avec nous pour cette table ronde. Comme pour la librairie ce matin, nous allons examiner ensemble les enjeux et les perspectives des bibliothèques à l'heure du numérique - où les pratiques de lecture connaissent de fortes mutations et où les zones d'incertitudes sont vastes -, concernant la protection des oeuvres, la gestion de la propriété des fichiers, le versement des droits d'auteur, la nécessité de nouveaux contrats d'édition, les oeuvres orphelines, etc. Quelle peut-être l'évolution du rôle des bibliothèques dans le tissu culturel français ? Où en est le projet de bibliothèque numérique européenne Europeana ? Une nouvelle chaîne du livre numérique se met actuellement en place. Qu'en est-il exactement ?

Denis Zwirn
En tant qu'un des pionniers français du livre numérique depuis 1999, nous avons acquis une certaine expérience des différents modèles économiques et techniques possibles. C'est cette expérience qui m'a permis au début 2007 de réaliser un travail de conseil auprès de la BNF et du SNE en vue de la proposition d'un modèle économique pour l'intégration d'oeuvres sous droits au sein de la future Bibliothèque Numérique Européenne. Une des bases de réflexion de cette étude a été l'analyse de la mise en place d'une nouvelle chaîne du livre, qui place la librairie aussi bien que la bibliothèque au coeur des débats sur le numérique.

La confusion est fréquente entre Internet et le livre numérique. Un débat sur la numérisation débouche très souvent sur une discussion sur la vente en ligne. Les deux ont certes des points communs évidents, dans la mesure où les livres numériques se vendent aujourd'hui en ligne, mais il est important, concrètement et intellectuellement, de les distinguer. La vente en ligne est un sujet qui concerne essentiellement, par son volume, les livres imprimés. Les livres numériques constituent un nouveau support de lecture et peuvent certes être vendus sur Internet mais seront demain distribués dans des librairies sous forme de clés USB ou de mini cartes. Pour la rigueur de l'analyse, il convient donc de dissocier le numérique d'Internet.

Le livre numérique est aujourd'hui l'objet de nombreux fantasmes, de peurs ou d'espoirs. Il vient pourtant de naître. Le livre imprimé n'est donc pas en danger, loin de là. Cela ne signifie pas non plus qu'il faille hâtivement jeter le bébé avec l'eau du bain en estimant que personne ne lira jamais sur un écran. Je crois, pour ma part, que le livre numérique est un sujet d'avenir, qu'il faut regarder avec distance et enthousiasme, et qui mérite une organisation professionnelle inédite correspondant à un nouveau mode d'accès à l'écrit et à de nouveaux marchés. Pour attester de l'intérêt que porte le public au livre numérique, je rappellerai les résultats d'une étude menée cette année auprès d'étudiants de l'University College London à qui des livres numériques ont été proposés. Cette étude montre de manière surprenante que 48 % des personnes interrogées préfèrent lire le livre qui leur est proposé à l'écran contre 39 % sur papier. Ce chiffre est à considérer avec attention et présage d'un avenir assez glorieux du livre numérique.

D'autres fantasmes autour du livre numérique renvoient à la thématique de la désintermédiation à tous les niveaux : l'auteur ou l'éditeur seraient ainsi en capacité de se passer d'intermédiaires. Ces phénomènes sont actuellement très partiels et pas toujours négatifs : pourquoi ne pas laisser plus d'espace à l'expression des auteurs ? Je ne crois pas néanmoins que l'organisation essentielle de l'économie du livre soit touchée par la désintermédiation. L'exemple des pays anglosaxons, où le livre numérique est plus répandu, le prouve : d'un côté, un certain nombre d'auteurs trouve de nouvelles possibilités de s'exprimer de manière directe mais de l'autre des éditeurs conservent leur rôle traditionnel de sélection des livres, de relations avec les détaillants, etc. La désintermédiation n'est pas, à mon sens, un schéma crédible dans un avenir proche. Je crois davantage au schéma d'une nouvelle chaîne du livre numérique où les acteurs traditionnels de la chaîne du livre continuent de jouer leur rôle tout le long de la filière du livre numérique. L'auteur y tient encore le premier rôle : il existe aujourd'hui peu d'exemples où les lecteurs, par leurs interactions, puissent faire perdre à l'auteur son statut, comme le projettent certains fantasmes liés aux blogs. Un livre numérique n'est pas un blog : c'est un livre, ou plus exactement une version numérique d'un livre ! La différence tient au fait qu'on peut l'acheminer par des réseaux de télécommunications et le lire sur un écran. Les éditeurs conservent également leur place mais ont un nouveau rôle à jouer dans la production de livres numériques, qui réclame une technicité particulière et un savoir-faire nouveau. A l'extrémité de cette chaîne se trouvent les bibliothèques, beaucoup plus en avance que les librairies en matière de livres numériques. Aux États-Unis existent des milliers de bibliothèques numériques. En France, Numilog compte parmi ses clients cinquante bibliothèques numériques. Ce mouvement va d'ailleurs s'amplifier. Des librairies traditionnelles, et non pas seulement des pure player ou des sites en ligne, vendent déjà aujourd'hui des livres numériques sur leur site et considèrent qu'ils constituent une nouvelle forme d'expression et un nouveau support pour le livre. Tout cela est rendu possible par l'émergence de nouveaux acteurs, les agrégateurs, qui jouent le même rôle que les diffuseurs/distributeurs dans la chaîne traditionnelle du livre : ils sont chargés par exemple de la protection des droits, de la mise en place de nouveaux modèles économiques adaptés au livre numérique. D'une manière générale, ils simplifient la logique des contrats avec les librairies ou les bibliothèques en permettant aux éditeurs de ne pas les multiplier. Tel est le rôle joué aujourd'hui par Numilog.

Cette nouvelle chaîne du livre implique d'une part une nouvelle logique contractuelle entre ses différents acteurs : les auteurs et les éditeurs doivent prévoir des types de contrats inédits incluant explicitement la dimension numérique ; les éditeurs et les agrégateurs doivent prévoir des contrats spécifiques de diffusion numérique ; les agrégateurs, les libraires et les bibliothécaires doivent prévoir des contrats adaptés au support numérique, différents des contrats traditionnels. De ces contrats, explicites et cohérents entre eux, peuvent naître de nouveaux modèles économiques et commerciaux. De nombreux modèles de bibliothèques numériques sont possibles et existent déjà.

Je n'ai pas encore évoqué la question, pourtant centrale, du moteur de recherche. Les grands moteurs de recherche privés sont bien connus et veulent également jouer un rôle dans le monde du livre. La fonction des moteurs de recherche est très importante puisqu'ils permettent l'accès à la base de tous les livres numérisés. Il est ainsi extraordinaire d'avoir désormais la possibilité d'utiliser des fonctions de recherche plein texte dans une base complète de livres ! La proposition faite pour la bibliothèque numérique européenne consiste précisément à combiner un moteur de recherche plein texte, une recherche intelligente dans les métadonnées, tout en respectant tous les acteurs de la chaîne du livre, éditeurs, auteurs et ayants droit. Ce qui est possible si, pour les livres sous droits, l'accès au texte intégral se fait sur des sites choisis par les éditeurs et organisés pour la protection et la rémunération des droits d'auteur.

Florence Noiville
Je vous remercie d'avoir aussi clairement et aussi synthétiquement campé le décor. Le livre numérique en est à ses débuts mais l'attente est forte. Le chiffre de 48 % que vous nous avez donné est très surprenant et ouvre des perspectives d'avenir glorieux. Qu'en est-il de la future bibliothèque numérique européenne ?

Bruno Racine
L'entrée des bibliothèques dans l'univers numérique date d'au moins dix ans et a touché progressivement de nombreux domaines d'activités quotidiennes d'une bibliothèque : la conservation d'ouvrages ou documents fragiles tout d'abord, la constitution d'une vitrine ou d'une anthologie des grands textes et des fleurons de la bibliothèque ensuite, qui s'est étendue enfin à l'idée d'une bibliothèque entièrement numérique. Nous sommes aujourd'hui à un moment charnière où la numérisation auparavant ponctuelle devient la perspective à long terme des bibliothèques. Une telle mutation donne le vertige. Le métier même de bibliothécaire est organisé sur la base du document physique. Nous n'avons d'ailleurs pas encore mesuré la totalité des conséquences de ce phénomène sur l'économie générale de la chaîne du livre. Google a fait d'importantes annonces sur la numérisation de masse en se plaçant toutefois dans un calendrier assez long. La BNF a été l'une des premières grandes bibliothèques nationales à défricher ce terrain. Gallica existe depuis une dizaine d'années et connaît actuellement une évolution vers une version beaucoup plus perfectionnée, qui tire les leçons d'Europeana. Europeana n'est d'ailleurs pas encore le nom officiel de la future bibliothèque européenne. La présidence française de l'Union européenne oeuvrera sûrement en ce sens mais il s'agit pour l'instant simplement d'un prototype, mis en place par la BNF et mettant en ligne un certain nombre de documents français, hongrois et portugais, et qui n'a pas vocation à évoluer. Le site propose actuellement un avant-goût de ce que pourrait être une bibliothèque européenne. Pour autant, ce n'est pas parce que le prototype est figé que le processus s'est arrêté. Il faut organiser une convergence entre ce qui se fait au niveau national et ce qui est réalisé dans l'Union européenne, notamment à la suite de la lettre de Jacques Chirac au sujet d'Europeana. Le projet de bibliothèque numérique européenne, connu son sigle anglais EDL, figure dans l'agenda de la Commission comme une priorité avec la différence par rapport au projet initial de Jean-Noël Jeanneney que l'ensemble du patrimoine culturel européen sera concerné et non pas seulement le livre. J'assistais il y a quelques jours à la réunion des différents dirigeants de bibliothèques nationales en Europe - entendue dans le sens large du Conseil de l'Europe - où un point des projets en cours a été fait. En dehors de la presse, dont la numérisation progresse à bon rythme, la numérisation des livres reste limitée. Le seul programme de numérisation de masse, crédible et financé, est celui que je viens de signer et qui va porter en France sur 300 000 ouvrages en trois ans. Comment expliquer cette singularité française ? À la suite de la prise de conscience politique de l'année dernière, la France a trouvé des ressources permettant de financer un tel programme. Tout numériser et veiller ensuite à la pérennité des données numériques supposent des investissements presque aussi coûteux que ceux réalisés pour la numérisation elle-même. Les autres institutions européennes souhaitent que la Commission fasse évoluer ses positions et que des financements européens puissent être affectés à des opérations de numérisation. Ce programme de 300 000 ouvrages constitue un test car nous n'avons pas d'expérience à une telle échelle. Il faut donc entrer dans une phase d'expérimentation d'un processus de masse qui prendra plusieurs mois avant de porter ses fruits. Cette question est essentielle car si nous n'obtenons pas au final des résultats convaincants, le projet de bibliothèque numérique européenne restera de l'ordre du discours. Mes collègues européens sont très attentifs aux résultats du programme dans ses premiers mois. L'avantage de notre programme par rapport à Google est celui de la transparence financière à toutes les étapes du processus. Or, quand Google se propose de numériser tous les ouvrages d'une bibliothèque, il est impossible de connaître le montant de l'investissement qu'il y consacre. Nous allons fournir de ce fait des données fiables et utiles. Ce programme de 300 000 ouvrages ne porte que sur des ouvrages du domaine public, du patrimoine. À partir du moment où l'on raisonne sur des quantités aussi importantes, la question de la sélection des ouvrages change elle-même de nature. À une telle échelle, il faut numériser des ensembles complets et ne pas chercher dans ceux-là à trouver des textes plus intéressants que d'autres. Une sélection fine est impossible car elle représenterait un coût rédhibitoire.

Florence Noiville
A quels ensembles appartiennent les 300 000 ouvrages que vous évoquez ?

Bruno Racine
Dans l'esprit des propositions formulées pour la bibliothèque européenne, des ensembles concernent l'Histoire de France, d'autres sont constitués de textes littéraires. Il existe une charte documentaire et la sélection ne se fait pas selon un processus aveugle comme un choix par ordre alphabétique par exemple. Cependant, aucune sélection fine ne se fait une fois un grand ensemble choisi. Seuls les ouvrages du domaine public sont concernés mais nous sommes conscients que l'internaute aura besoin d'accéder tout autant à des ouvrages sous droits. C'est la raison de l'étude menée par M. Zwirn pour le compte de la BNF et du SNE, qui a défini un modèle qui n'est pas celui d'une bibliothèque numérique stricto sensu pour les livres sous droits : la recherche plein texte pour ce type d'ouvrages se fera sur la base d'une consultation payante. J'ai réuni un certain nombre de partenaires européens (bibliothèques nationales, éditeurs, représentant des ayants droit) pour proposer à la Commission européenne de financer un programme sur cette question : comment, dans le cadre de la bibliothèque numérique européenne et en tenant compte de la diversité des situations nationales, proposer un modèle commun d'accès aux ouvrages sous droits, notamment pour les oeuvres orphelines ? Ce processus, qui implique de très nombreux partenaires, est très complexe mais s'il aboutit, le contenu de la bibliothèque numérique européenne sera à la hauteur des ambitions affichées. Le bon esprit dans lequel nous avons pu travailler avec les éditeurs me laisse espérer que nous puissions après cette phase d'expérience nationale élargir notre offre au niveau européen.

Florence Noiville
Merci Bruno Racine. Nous allons revenir sur quelques points de votre intervention. Myriam Diocaretz, je vous ai vu sourire quand il était question d'ouvrages sous droits et d'oeuvres orphelines. J'aurais envie de vous entendre sur ces sujets.

Myriam Diocaretz
J'ai souri quand il s'est agi de questions relatives à ma propre expérience et à mon travail sur la position des auteurs en Europe et plus précisément sur la législation des droits d'auteur face aux initiatives numériques. À côté de ce travail, je propose une critique conceptuelle de ce que j'ai appelé dans un article « l'imaginaire technologique européen », dont les bibliothèques numériques font partie.

Je voudrais replacer votre projet autour des 300 000 ouvrages dans son contexte européen. Mme Reding dans un de ses premiers discours a fixé l'objectif de «six millions d'objets numériques d'ici 2010». Dans tous les pays, on s'interroge sur la signification exacte du mot « objet » : page, livre, collection ? D'autres projets de numérisation voient le jour, notamment dans les nouveaux pays membres. L'objectif des six millions sera facilement atteint, en particulier si l'on considère comme objet numérique une page ou un chapitre ! Concrètement, au niveau européen, la Commission propose au Parlement, qui rejette ou accepte. La Commission considère que la question la plus difficile est celle des droits, car ils sont de plusieurs types. Elle a donc formé un High level Group pour discuter de cette question. Ces discussions relèvent du niveau stratégique européen. La Commission travaille également sur la question des financements des grands projets, une vingtaine au total comme MINERVA, TEL, TEL-ME-MOR, MICHAEL, EDLNet, etc., ce qui correspond cette fois au niveau opérationnel. Il convient donc de toujours distinguer le niveau stratégique, relevant des discussions et de la théorie et le niveau opérationnel des projets. La Commission travaille à ces deux niveaux et il n'existe pas encore une totale convergence entre les deux.

Concernant le numérique et la lecture publique, de grandes questions se posent pour les auteurs, en particulier les auteurs professionnels, car les projets concernent des ouvrages hors droits mais également sous droits. Je voudrais insister sur la question du respect des ayants droit. M. Zwirn a retenu en la matière la suggestion que je lui avais faite quand je l'ai reçu à Bruxelles avant la finalisation de son excellente étude. Pour la première fois à ma connaissance, on accepte d'inclure explicitement les auteurs dans des pratiques de consultations payantes, en ne supposant plus que seuls les éditeurs ont des droits. D'autre part, notre Fédération des Associations Européennes d'Écrivains est donc prête à soutenir l'initiative de la bibliothèque numérique européenne, en particulier dans le cadre du travail de groupe sur les droits d'auteur de la Commission et dans le sens du rapport de Mme Descamps au Parlement européen, qui introduit des modifications pour souligner le respect des ayants droit. Ce rapport a été voté en plénière en juillet 2007. La valeur ajoutée du numérique est évidente aussi pour les auteurs, qui comprennent les incertitudes juridiques liées à la disponibilité des droits. J'ai esquissé un deuxième sourire à l'évocation des oeuvres orphelines.

Florence Noiville
Peut-être pourriez-vous nous rappeler en quelques mots ce que sont les oeuvres orphelines ?

Myriam Diocaretz
Une oeuvre est dite orpheline quand il est impossible de trouver son auteur ou son éditeur ou les deux. On dénombre des milliers d'oeuvres orphelines dans les bibliothèques en Europe. Cela pose d'importantes difficultés pour préserver ces oeuvres.

Florence Noiville
Vous dites que les oeuvres orphelines se chiffrent en milliers. Est-ce à l'échelle de l'Union Européenne ?

Myriam Diocaretz
Il en existe en effet des milliers. La bibliothèque nationale d'Angleterre en dénombre par exemple une grande quantité. Les chiffres sont connus car une étude a été réalisée dans le cadre d'un projet européen. Ces oeuvres orphelines représentent une perte pour tous car nous ne savons qu'en faire. Le travail sur ces oeuvres est mené dans le cadre du sous-groupe « copyright » : nous avons essayé de fixer une sorte de déontologie, ou plutôt une marche à suivre permettant de prouver que tout a été tenté pour retrouver les auteurs et les éditeurs avant de déclarer une oeuvre orpheline et procéder ensuite à la numérisation. Le rapport de ce groupe a été publié sur le site de la commission en avril 2007. Nous travaillons également sur les oeuvres hors distribution, appelées en anglais out of print, ce qui est d'ailleurs inexact puisque l'idée d'impression ne convient pas aux oeuvres musicales ou aux arts graphiques. Je suggère qu'Europeana puisse utiliser notre modèle juridique, qui permet de négocier avec les auteurs ou les ayants droit. Nous devons désormais mettre un terme aux palabres et prendre en charge pas à pas les problèmes en proposant des solutions très précises.

La situation contractuelle des auteurs est une question majeure qui ne fait pas encore débat. Le numérique a bouleversé des processus économiques considérés jusqu'alors comme stables. La politique culturelle du livre connaît actuellement un profond changement car elle est plongée dans la politique économique et culturelle de la numérisation. L'avenir du livre est aussi l'avenir de l'auteur. On passe souvent de la dématérialisation du texte à une fausse immatérialité de l'auteur et de son oeuvre. Les modèles économiques émergents de livres électroniques sont liés au développement de nouvelles technologies. Tout a changé, sauf les contrats d'auteur. Quelle a été la réaction face à un tel changement ? La plupart des éditeurs avaient déjà introduit dans leurs contrats une clause ou une phrase prévoyant toutes les éventualités, de telle sorte que ces contrats peuvent désormais se révéler oppressifs pour les auteurs. En tant que chercheuse, j'ai pu collectionner et étudier de nombreux contrats français, dans lesquels j'ai pointé un certain nombre d'ambiguïtés de vocabulaire, notamment autour du terme « analogue », qui renvoie à l'idée de similarité en même temps qu'à une opposition nouvelle entre analogique et numérique. En 1990 ont été reconnus des droits à l'éditeur « dans les technologies connues et inconnues, inventées et à inventer. » Les auteurs peinent dans ce contexte à faire reconnaître leurs droits et certains éditeurs le refusent d'ailleurs fermement.

Je demande de nouvelles formes de contrats pour les auteurs dans le cadre de la numérisation et de la nouvelle économie. Je propose, dans le prolongement d'un article de Patrick Altman, une discussion qui puisse éclaircir le brouillage des limites entre la rémunération de l'éditeur et celle de l'auteur. Nous avons besoin de contrats mieux adaptés à l'époque contemporaine, qui donneraient la possibilité de renégocier les divers droits. Il serait ainsi envisageable pour l'auteur, en cas d'émergence de nouveaux modèles, de participer à des options parallèles avec l'éditeur, dans des textes différents, mais pas en exclusivité. Il existe au niveau européen des études qui renforcent la position et le rôle de l'industrie de la publication. Nous, auteurs, ne faisons pas partie de cette industrie mais la nourrissons. Sans les oeuvres des auteurs, l'industrie n'a rien à distribuer. Je travaille actuellement pour convaincre la Commission pour que soit lancée une étude sur la situation économique des auteurs et sur les moyens de renforcer la position des auteurs et plus généralement des créateurs en Europe.

Florence Noiville
Nous avons bien compris à quel point cette question des contrats d'édition était cruciale et passionnante. Je me souviens que lors d'une discussion préalable à cette table ronde, vous aviez mentionné la possibilité d'un «digital lending right», un droit de prêt numérique. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur ce sujet ?

Myriam Diocaretz
Ce thème est nouveau et complexe car l'application du droit de prêt traditionnel n'est pas encore garantie dans tous les pays, et commence maintenant comme en Belgique, en Espagne ou en Italie.

Florence Noiville
Dominique Arot, quel est le point de vue de l'ABF sur toutes ces questions ?

Dominique Arot
Je voudrais partager avec vous quelques raisons d'être opti miste et quelques sujets d'inquiétude ou du moins d'interrogation. Les bibliothécaires débattent et agissent beaucoup. Je souscris tout à fait au constat fait par Denis Zwirn sur la multiplicité des projets et des réalisations dans les bibliothèques, en France comme à l'étranger. Ce très fort goût de l'innovation et de l'expérimentation rompt avec certains clichés ayant cours sur les bibliothèques. La BPI du centre Georges Pompidou reste exemplaire de cet esprit innovant. De la même manière, le projet de la BNF s'est caractérisé dès le début par une recherche de l'innovation et la volonté de répondre aux défis de l'avenir. Sans verser dans l'autosatisfaction, il faut remarquer que les bibliothécaires sont capables, dans un contexte radicalement nouveau, de réinvestir un ensemble de compétences sur la description des documents et la manière de les rendre accessibles. Beaucoup de prestataires de services sont parfois surpris de la qualité de la formation des bibliothécaires, qui sont en mesure de parler leur langage et d'imaginer des projets.

J'ajouterais que les bibliothécaires ont aujourd'hui une conscience aiguë de leur place dans l'économie du livre et en maîtrisent également les aspects juridiques. Les turbulences que la profession a connues au moment du règlement de la question du droit de prêt ont eu une valeur pédagogique forte et ont permis d'instaurer une culture du dialogue entre les différents acteurs de la chaîne du livre. Les bibliothèques, par la place qu'elles occupent dans la cité sont des propagandistes efficaces des bonnes pratiques dans les domaines de l'économie et du droit du livre. La bibliothèque municipale de Lille, dont j'ai été le directeur, a renégocié il y a peu de temps ses marchés publics d'achats de livres. Nous avons été capables de susciter un groupement des libraires indépendants lillois, qui ont, dans les cadres stricts de la loi sur les marchés publics, emporté une grande partie des lots de ce marché. La proximité entre les libraires locaux et les bibliothécaires est précieuse et nous a permis de faire de la pédagogie auprès de nos élus, qui ont pris conscience à travers ce dispositif qu'ils ont les moyens, dans le cadre de la loi, de soutenir les librairies de leurs villes. Cette dimension pédagogique concerne également les bibliothèques universitaires où des actions peuvent être menées auprès des utilisateurs comme les chercheurs ou les étudiants. Plus généralement, dans toutes nos bibliothèques existent des dispositifs d'accompagnement, sur la consultation d'Internet par exemple, montrant ce qui est licite et ce qui ne l'est pas.

Le visage des bibliothèques municipales ou universitaires dans les villes devient hybride, à double titre : parce que sont mis à disposition d'un large public des documents physiques et des ressources numériques et parce que la bibliothèque s'inscrit dans un espace concret, dans des locaux matériels mais a aussi une existence en ligne. Ce nouveau visage déstabilise les pratiques des bibliothécaires, habitués à gérer des supports. La pratique professionnelle, par le jeu des formations initiale et continue et par le jeu des échanges associatifs ou des voyages d'études, évolue de manière positive sur des aspects techniques, juridiques, etc. Il est important de constater qu'on crée un nouveau type de relations avec les lecteurs. On retrouve dans l'espace numérique des pratiques propres à l'espace physique comme la proposition de services personnalisés ou l'instauration d'une relation étroite avec les usagers grâce au courrier électronique.

Il existe aussi, comme pour tous les acteurs de la chaîne du livre, des incertitudes et des questions. Je prendrai deux exemples de déstabilisation par rapport à des modèles économiques existants ou à inventer : dans le domaine de la musique, nos discothécaires sont un peu perdus face à la ruine annoncée du support physique du Cd ; en matière de revues électroniques en ligne, les bibliothécaires se sont employés à créer des consortiums pour faire face à des dépenses trop importantes et sont confrontés désormais à l'apparition soudaine d'un modèle de transmission gratuite avec un paiement par des ressources publicitaires. Les sujets d'optimisme l'emportent toutefois très largement sur les incertitudes.

Florence Noiville
Merci Dominique Arot. Vous avez été le premier à évoquer le public, ses demandes et ses besoins. Roselyne Abbou, vous êtes en contact avec l'un des publics potentiellement le plus utilisateur des bibliothèques : qu'en est-il de l'Education Nationale ?

Roselyne Abbou
Merci. En écoutant les différents intervenants je m'interrogeais sur ce que l'Education Nationale pouvait apporter au livre numérique. Je crois en fait qu'il faut renverser cette proposition et se demander ce que le livre numérique peut apporter à l'Education Nationale. Quels usages pouvons-nous tirer des bibliothèques et des livres numériques ? Cette question s'inscrit dans le cadre plus général de la loi d'orientation et de programme d'avril 2005, pour l'avenir de l'école, qui stipule que « la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société ». Sans détailler les sept piliers de ce socle commun, j'en retiendrai tout de même deux qui me concernent particulièrement puisque j'étais professeur de lettres : la maîtrise de la langue française et la culture humaniste. La culture humaniste « repose sur la fréquentation des oeuvres littéraires, qui contribue à la connaissance des idées et à la découverte de soi. » Cela représente pour nous une double obligation d'entrer dans les livres et, de plus, en accord avec les nouvelles réglementations européennes, un autre pilier du socle commun concerne « la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication ». Faire conjoindre la culture et l'utilisation des outils de la communication est un des grands enjeux de notre action. L'utilisation des Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Education est une priorité nationale au même titre que le socle commun des connaissances et des compétences.

L'accès aux livres numériques dans les classes, quand ils sont entrés dans le domaine public, permet un véritable travail sur le texte, qui consiste par exemple à articuler lecture et écriture. Le livre numérique offre de nombreuses articulations, en permettant par exemple aux élèves d'insérer une description dans une page de roman. Grâce au texte informatisé, les élèves ont ainsi de multiples possibilités de réécriture et deviennent à leur tour des auteurs de livres numériques. Il existe dans les académies, et en particulier dans l'académie de Paris, des Groupes d'Intégration Pédagogique des Technologies de l'Informatique et de la Communication (GIPTIC) où des professeurs partagent leurs ressources et construisent ainsi une nouvelle bibliothèque des pratiques pédagogiques. Ces GIPTIC existent dans toutes les disciplines. Nous élaborons dans les rectorats des sites avec une entrée par discipline qui permet d'accéder à une sorte de nouveau livre, libre de droit, des pratiques pédagogiques possibles.

Pour terminer, je souhaiterais poser une question à M. Racine. La numérisation des textes nous offre la possibilité de ne plus travailler exclusivement sur les oeuvres porteuses de référents culturels. Aura-t-on accès dans la bibliothèque numérique à des textes plus confidentiels et plus à la marge ?

Bruno Racine
La numérisation concerne une centaine de milliers d'ouvrages et va donc bien au-delà des seuls textes fondamentaux. Il est important que soient définies à chaque politique de numérisation des priorités. Il faut envisager un travail en collaboration avec les autres bibliothèques, universitaires et municipales. La BNF, par exemple, est plus pauvre sur les fonds régionaux, qui n'appartiennent pas aux grands classiques mais qui peuvent se révéler très féconds d'un point de vue pédagogique.

Roselyne Abbou
L'intérêt pour nous est de sortir des carcans et d'ouvrir les élèves à une culture plus vaste, qui ne se limite pas à quatre auteurs par siècle. Le livre numérique présente l'intérêt majeur de redonner envie d'écrire. La culture numérique apporte l'ouverture vers la possibilité d'écrire et donc de s'exprimer.

Florence Noiville
Avant de donner la parole à la salle, je souhaiterais faire un tour de table pour connaître vos réactions sur deux points très précis : le nécessité de nouveaux contrats d'édition et le nouveau droit de prêt digital.

Denis Zwirn
Il faut aujourd'hui prévoir les livres numériques dans les contrats d'auteur. C'est ce que nous préconisons chez Numilog. Si les contrats existent déjà, il faut a minima proposer un avenant aux auteurs explicitant la question du livre numérique, sans se contenter de la clause sur « toutes les technologies à venir ».

Florence Noiville
Ce type de contrat est-il déjà en vigueur dans d'autres pays ?

Denis Zwirn
Face aux grandes entreprises de numérisation américaines et anglaises, les grandes maisons d'édition scientifiques et littéraires négocient des droits d'auteurs en fonction de la spécificité de chaque pays. En France, tous les éditeurs avec qui Numilog travaille ont, soit procédé par avenant, soit prévu dans leurs nouveaux contrats une clause explicite portant sur le livre numérique, la notion de téléchargement et de lecture en ligne. Il faut donc prévoir le livre numérique dans les contrats, ce qui est fait dans la plupart des cas.

Bruno Racine
Concernant le droit de prêt digital, plusieurs niveaux doivent être distingués : celui de la consultation sur place dans les bibliothèques, pouvant être encadrée dans des limites étroites et donc donner lieu à des négociations bien circonscrites ; celui de la consultation par Internet, qui est virtuellement illimitée. Une de nos difficultés tient au fait que l'Internet est mondial tandis que les législations sont beaucoup plus cloisonnées. Il peut d'ailleurs se produire un télescopage entre les deux. Au début de l'étude que nous proposons à la Commission de financer, nous souhaitons que soit dressé un inventaire des différentes situations nationales, y compris sur le plan des règles applicables. En Norvège, par exemple, s'est conclu un accord entre la bibliothèque nationale, les éditeurs et les auteurs permettant un accès direct et gratuit des lecteurs aux ouvrages les plus récents. Nous sommes au début d'un processus.

Florence Noiville
Y a-t-il des interventions dans la salle ?

Christian Roblin, directeur de la SOFIA
Un contrat est toujours composé d'un objet et d'un prix, déterminable. Un certain nombre d'auteurs n'avait pas prévu de base réelle concernant le livre numérique et peuvent appliquer la clause des droits dérivés. Lorsque Dalloz, où j'étais éditeur, a renouvelé il y a une dizaine d'année ses contrats pour les exploitations électroniques de leur base de données, une réflexion a été menée, qui n'a pas posé de difficultés particulières. La base du droit est la même. Il ne faut pas croire que la situation a été bouleversée et qu'il n'existe pas de réponses dans le droit. La réalité du droit est nette. Concernant le prêt numérique, il faut s'interroger sur le vocabulaire même. Peut-on parler de prêt ? Un prêt suppose que le fichier ne soit pas conservé. La première question est donc technologique. Il existe des plates-formes de prêt numérique, comme celle de Dawson, où un hébergement définitif est également possible. Un choix doit être fait entre le téléchargement définitif, la consultation en ligne sur une base de données dédiées accessible avec mot de passe ou encore le téléchargement d'un fichier qui s'autodétruit au bout d'une certaine période. Des solutions technologiques existent. Les risques sont la dissémination, le changement de rôle des acteurs, la méconnaissance d'un marché émergent. Des questions tarifaires se posent ensuite. Une part du prêt numérique peut se faire par des opérateurs privés. Derrière le terme de « livre » numérique se cache un certain nombre de concepts qu'il faut clarifier : ne vaudrait-il mieux pas parler de texte ou d'oeuvre ?

SOFIA se place actuellement dans une position de veille et non d'annonce pour des acteurs qui voudraient lui confier des droits à gérer. SOFIA gère le droit de prêt et le droit de copie privée pour le livre. Elle a sur ces deux champs une expérience et des compétences reconnues.

Patrick Altman, éditeur
Je souhaiterais obtenir quelques précisions sur la question du droit de prêt numérique, qui peut recouvrir des réalités très différentes. Je comprends mal ce que signifie « prêter un fichier ». Quand on prête un objet à quelqu'un, on n'en dispose plus. Un fichier reste, en revanche, toujours disponible et peut être mis à la disposition de milliers de personnes à la fois. Les contraintes sont très différentes dans le monde physique et dans le monde numérique. Pour prêter un fichier, soit on crée un stock virtuel de cinq fichiers par exemple ; une fois ce chiffre atteint, le fichier n'est alors plus accessible. Il est d'ailleurs assez curieux de reproduire dans le monde numérique des contraintes propres au monde de l'objet physique ; soit on fait payer un internaute ou un usager de bibliothèque pour qu'il ait le droit de consulter un ouvrage. Il n'est alors pas nécessaire de constituer un stock virtuel et n'importe qui peut consulter un fichier moyennant paiement.

Denis Zwirn
Sur le plan technique, le numérique permet certes l'abondance mais ce n'est pas parce qu'il serait théoriquement possible d'aller dans une librairie avec un camion pour charger tous les livres et de partir sans payer qu'on puisse recommander de le faire. Confondre la possibilité technique d'une duplication et la liberté de dupliquer me semble une erreur.

Concernant l'organisation des droits et de l'économie dans le domaine du prêt de livre numérique, le prêt se conçoit de deux manières : soit comme dans le monde physique, d'un individu à l'autre, le premier ne disposant plus du fichier qu'il prête au second ; soit sous la forme de la chronodégradabilité qu'elle soit en ligne ou après téléchargement. La chronodégradabilité en ligne existe déjà pour les revues grâce à des définitions d'accès simultanés avec sessions de lecture, qui miment la notion d'exemplaires dans le domaine physique. Quand il s'agit de fichiers téléchargés, des technologies existent déjà depuis plusieurs années et ont prouvé qu'elles étaient fiables et robustes. Economiquement, un prêt équivaut au fait de pouvoir disposer d'une ressource pendant un temps limité durant lequel une autre personne ne peut pas en disposer également. Il faut simplement que les auteurs et les éditeurs sachent qu'une bibliothèque distribuant leurs ouvrages ne le fait pas à vingt mille personnes simultanément.

Bruno Racine
C'est normalement aux bibliothèques de faire leur affaire du paiement des droits sur la base desquels les usagers abonnés peuvent gratuitement accéder aux textes qui les intéressent. Les usagers peuvent certes payer un abonnement annuel mais ne paient pas à l'acte.

Denis Zwirn
Le modèle est celui d'une bibliothèque traditionnelle. La bibliothèque dispose de budgets d'acquisition, réglés à des libraires et propose ensuite un prêt libre à tous ses lecteurs.

Patrick Altman
Denis Zwirn explique que la technologie se met au service de l'économie. Je ne le crois pas. Je pense plutôt que la question est politique et n'est pas de savoir qui va payer et combien. La question est de savoir quelle diffusion de la culture on veut demain, selon quelles modalités et en direction de qui ? La question du prix vient ensuite.

Jean-Claude Bologne, secrétaire général de la SGDL
Je pense que l'on se résigne un peu vite à l'idée que la numérisation ne soit qu'un simple changement de support. La numérisation implique surtout, à mon sens, un changement de mode de lecture, notamment par l'indexation qu'elle permet. J'ai entendu dans ce débat un argument assez péremptoire qui consiste à penser que l'on puisse prendre deux phrases d'un texte et insérer entre elles une longue description. Je n'ai jamais rien permis de tel à mes éditeurs, même si par ailleurs je leur ai peut-être cédé le droit d'adapter mes textes à n'importe quel support. Ce genre d'opérations est-elle possible dans le cadre du projet de numérisation d'Europeana et si tel était le cas dans quel cadre juridique cela s'inscrit-il ?

Bruno Racine
Mme Abbou se plaçait dans le cadre d'un exercice scolaire. La BNF ne permet aucune falsification ! La question est néanmoins importante : la fourniture de données certifiées et authentifiées est un des enjeux de la numérisation. C'est pourquoi les institutions publiques ont un rôle : quand elles mettent en ligne un texte, elles se portent garantes de son intégrité. Le problème du faux n'est pas nouveau. Il trouve simplement des terrains d'application nouveaux avec la numérisation.

Roselyne Abbou
Est-il besoin d'ajouter qu'il ne s'agissait pas d'une contrefaçon mais d'un exercice scolaire semblable à un pastiche ou une parodie, et visant à l'appropriation de la culture et du style de l'auteur. Ce sont des exercices éminemment formateurs.

Un intervenant dans la salle
Mais non, madame ! Vous formez des plagiaires ! Vous faites jouer des enfants à modifier des textes : c'est contraire au droit moral.

Roselyne Abbou
Il ne s'agit pas de modifier les textes mais de se les approprier.

Le même intervenant
Je suis auteur et je n'ai pas envie que l'on s'approprie mes textes !

Florence Noiville
C'est un autre débat, qui nous entraînerait fort loin ! Je vous propose d'entendre une dernière question.

Noëlle Châtelet, vice présidente de la SGDL
Existe-t-il des oeuvres devenues orphelines à la suite d'une forme d'autocensure, qui se seraient protégées par l'anonymat et dont il ne faudrait retrouver ni l'auteur ni l'éditeur ?

Myriam Diocaretz
Cette question est très importante et n'a pas encore été prise en compte. Nous avons jusqu'à présent donné des instructions pour trouver les auteurs, les éditeurs ou les ayants droit. Les bibliothèques ont pour le reste le champ libre. Or, si elles ne trouvent pas les auteurs, éditeurs ou héritiers, ont-elles le droit de diffuser ? La question est donc complexe et renvoie à la situation politique et religieuse de chaque pays. Poser cette question, c'est un peu ouvrir une boîte de Pandore.

Noëlle Châtelet
C'est en effet un sujet très délicat.

Alain Absire
Je pense qu'il est envisageable juridiquement de mettre aupoint un système de refus de divulgation.

Myriam Diocaretz
La prochaine étape que nous souhaitons franchir à propos des oeuvres orphelines et hors distribution est de constituer pour chaque pays des bases de données dans le cadre de clearance center. Ces centres devront faire preuve de déontologie. Cette question est extrêmement importante car elle démontre qu'il ne s'agit pas seulement d'un problème économique mais que l'économie est toujours liée au point de vue social et moral.

Florence Noiville
Nous conclurons donc sur ce point de vue moral avec cette idée d'un comité éthique ou déontologique pour oeuvres « sous x ».

Je remercie les participants à ce passionnant débat, ainsi que le public.

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