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Née à Sofia (Bulgarie) en 1982, Elitza Gueorguieva vit depuis quinze ans en France. Les cosmonautes ne font que passer est son premier roman.

Oh comme cette lecture est agréable et joyeuse ! Parce qu’elle joue sans cesse sur les deux registres, le registre apparemment naïf et très décalé d’une petite fille de sept ans, puis adolescente, face à celui, corrosif, absurde, du monde des adultes, hélas - pire encore, du monde politique !

Dans ce premier roman d’Eliza Gueorguieva la petite fille n’a pas de prénom, elle parle d’elle à la deuxième personne du singulier, et ce «tu» tenu de bout en bout nous met tout de suite dans le ton de la confidence - sonore, pétante et malicieuse. Nous voici dans la Bulgarie de la fin des années 80 : enfance au son des cloches communistes, puis adolescence dans le monde post-communiste. Elle voulait devenir une héroïne comme Iouri Gagarine, mais en fait il n’est pas le premier à être allé sur la lune et surtout, elle n’est qu’une fille ! Puis c’est la chute du mur de Berlin, la déconstruction des valeurs et l’effondrement de l’utopie : de Iouri Gagarine elle passe à Kurt Cobain ! L’histoire bascule et le grand-père communiste émérite sombre dans la folie. A quoi bon planter des sapins comme le faisaient les cosmonautes ? On écoute, charmé, cette petite sœur effrontée qui nous parle nous parle de nous, de nos espoirs toujours raillés, et qui nous dit «tu». Une parenthèse : agréable n’est pas un mot tiède ni anodin, il signifie que l’on peut prendre du plaisir, même sur fond d’histoire sombre, à connaître un pays dont on parle peu, et ce, grâce à la fantaisie de l’écriture.

Françoise Henry (membre du jury)

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