Imprimer

Écrivain, poète, traducteur et critique littéraire, lauréat du Grand Prix de poésie SGDL pour l’ensemble de son œuvre en 1998, Philippe Jaccottet s’est éteint à Grignan (Drôme), dans la nuit du 24 février 2021.

 

Né en 1925, à Moudon dans le pays vaudois, Philippe Jaccottet grandit en Suisse. Il écrit ses premiers poèmes, adolescent. Il côtoie alors Gustave Roud et André Bonnard, qui joueront un rôle décisif dans ses choix artistiques : le premier lui fait découvrir les poètes romantiques allemands (Novalis, Hölderlin) ; au second, helléniste dont il fut l’élève et vulgarisateur de haute volée, il doit l’amour des grands textes grecs, ce qui le conduira à traduire L’Odyssée d’Homère – traduction, dédiée à son ancien professeur, qui fait toujours autorité.


Après Lausanne et Paris, Philippe Jaccottet s’établit à Grignan, au cœur de la Drôme provençale. Cette installation dans un paysage qui entretient à ses yeux des liens secrets avec la Grèce antique, marque son écriture poétique où s’équilibrent la gravité méditative, la légèreté contemplative, l’art de la suggestion et la capacité d’émerveillement. Fort de la liberté que lui assure la distance prise aussi bien avec le pays natal qu’avec l’agitation littéraire parisienne, il déploie toute sa puissance de travail, sa vigilance de lecteur et sa créativité d’artiste. Il se consacre à la traduction d’œuvres classiques et contemporaines, de poètes ou de prosateurs venus de tous les horizons : Allemagne (Hölderlin, Rilke, Thomas Mann, Musil, Ingeborg Bachmann), Italie (Leopardi, Ungaretti, Cassola), Espagne (Gongora), Russie (Mandelstam), Japon (maîtres du haïku). Il publie régulièrement ses propres ouvrages et il poursuit un dialogue vivifiant avec les autres artistes.

Toute sa carrière littéraire a été régulièrement saluée par de nombreuses distinctions, notamment le prix Gottfried Keller (1981), le Grand Prix national de poésie (1995), le Prix Goncourt de la poésie (2003), le Prix Schiller (2010) et le prix mondial Cino-Del-Duca (2018). Il a eu le privilège de voir son œuvre poétique publiée de son vivant dans la prestigieuse collection « La Pléiade » (2014).

 

 

« Le chant des alouettes au sommet de la Lance, à la fin de la nuit du solstice d’été : cette ivresse dans le froid glacial, ces fusées comme pour appeler le jour dont je ne devais voir que le reflet blafard peindre, très lentement, vaguement les rochers.

Je ne les distinguais pas, bien qu’elles eussent jailli des herbes toutes proches, j’entendais seulement qu’elles s’élevaient de plus en plus haut, comme si elles gravissaient les degrés noirs de la nuit. Magnificat anima mea... »
(Cahier de verdure, 1990)

 

La SGDL rend hommage à cette grande figure de la littérature contemporaine – francophone, européenne, universelle. Elle salue l’ampleur de l’œuvre accomplie, qui pendant plus de trois quarts de siècle, depuis les débuts (Requiem, 1947 ; L’Effraie, 1953) jusqu’aux derniers opus, La Clarté Notre-Dame et Le dernier livre de Madrigaux, annoncés pour début mars, a fait entendre une voix singulière, forte et modeste, inimitable et d’une bouleversante humanité.

 

 

Christophe Hardy, écrivain, Président de la SGDL 

0
0
0
s2sdefault