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Appel à candidatures : résidence d’écriture à Edenkoben (Allemagne) / Août 2024

Une résidence d'un mois (août 2024) au Centre artistique d’Edenkoben en Rhénanie-Palatinat (Allemagne).   Lire la suite

Appel à candidatures: résidence d’auteurs RÉCIT’CHAZELLES

La résidence d’auteurs RÉCIT’CHAZELLES lance son APPEL À CANDIDATURES. La date limite d'inscription est fixée au 30 MARS 2024. Lire la suite

Appel à candidatures: résidences à la Villa Kujoyama en 2025

En 2025, la Villa Kujoyama accueillera environ quinze lauréats et lauréates pour des résidences de 4 à 6 mois. Les lauréats et lauréates sont appelés à nouer des relations de travail avec les milieux professionnels, universitaires, artistiques et culturels de Kyoto, de la région du Kansai et de l’ensemble de l’archipel. Les candidatures peuvent être déposées par un candidat solo, en binôme, ou en duo franco-japonais. Cette année, le processus de sélection est également ouvert aux duos et binômes Arts et Sciences.   Lire la suite

Lancement du site Lecture-Justice

La Fédération interrégionale du livre et de la lecture (Fill), en partenariat avec le ministère de la Culture et le ministère de la Justice, lance le site Internet Lecture-Justice afin d’accompagner le déploiement de projets livre et lecture auprès des personnes placées sous main de justice.   Lire la suite

Table ronde modérée par Hervé Rony, directeur général, SCAM
Avec Olivier Brillanceau, directeur général, SAIF ; Laurent Heynemann, président, SACD ; Jean-François Michel, président, Les Correspondances de Manosque ; Florence-Maire Piriou, sous-directrice, SOFIA

 Hervé Rony

Les sociétés de gestion de droits d'auteur ne se contentent pas de percevoir et de gérer, elles sont aussi des acteurs culturels primordiaux, qui s'expriment sous la forme de structures – fondation, délégation... – ou d'interventions directes, etc. En cette période où l'État dépense moins d'argent, et les collectivités territoriales peut-être encore moins, les sociétés de gestion collective deviennent des acteurs déterminants du domaine de la culture, ce que le public non initié ne mesure pas, ou insuffisamment.

Tel est le sens de cette table ronde qui réunit Olivier Brillanceau, directeur général de la SAIF, société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe ; Laurent Heynemann, président de la SACD, à l'origine d'un fonds d'aide à la production de la création théâtrale publique ; Jean-François Michel, directeur de l'Association Diversités, qui participe au lancement de l'Atelier français – plate-forme qui a vocation à réunir les industries du contenu, les entreprises numériques et le réseau culturel à l'étranger ; Florence-Marie Piriou, sous-directrice de la SOFIA et Secrétaire générale de l'Association française pour la protection internationale du droit d'auteur ; et Hervé Rony, délégué général de la SCAM.

Chacun d'entre vous interviendra pour exposer la philosophie qui guide vos sociétés en matière d'interventions et d'initiatives culturelles.

Je donne la parole en premier à Laurent Heynemann par une sorte de droit d'aînesse. La SACD est en effet un acteur historique et son champ d'intervention est particulièrement large, puisqu'elle pratique l'action culturelle par délégation directe.

Laurent Heynemann

Je débuterai mon propos en rappelant trois éléments relatifs à la copie privée.

Tout d'abord, la rémunération est perçue sur tous les supports vierges utilisés à la reproduction des œuvres – dans notre jargon, on parle de « supports dédiés » ; il s'agit des supports dédiés à l'enregistrement.

Les sommes perçues se répartissent en trois grandes masses : producteurs, interprètes et auteurs. La SACD se place dans la dernière et partage, malheureusement pour elle, cette « masse auteurs » avec de très nombreuses sociétés d'auteurs, toutes aussi dignes les unes que les autres. Cela signifie que la SACD dispose, pour financer l'action culturelle de la copie privée, de ressources bien moindres que celles de l'ADAMI, qui se réserve seule la « masse interprètes ». Tout le monde nous reproche de ne pas engager suffisamment de ressources dans des actions culturelles, mais il est certain que lorsque nous nous retrouvons en courtoise compagnie, nous ne pouvons pas œuvrer à hauteur de la Sacem ou de l'ADAMI.

La Société des auteurs et compositeurs dramatiques est multiple. Son conseil d'administration se compose de vingt-cinq membres issus de nombreux répertoires : cinéma, télévision, théâtre, cirque – nous comptons d'ailleurs un vrai clown au conseil d'administration –, chorégraphie, création interactive ainsi que les arts de la rue, la radio, sans oublier l'opéra.

Certaines de nos œuvres ne sont donc pas dans le marché privé, car, dans des répertoires comme l'opéra ou les arts de la rue, les œuvres ne relèvent que du marché institutionnel, puisque la relation entre subvention et vie culturelle est quasi uniquement d'ordre institutionnel. Un auteur d'opéra qui voudrait faire représenter son œuvre ne saurait le faire sans le soutien d'une institution officielle. De même, pour ce qui est des arts de la rue, les auteurs qui écrivent spécifiquement pour que leurs œuvres soient jouées dans l'espace public ne pourraient le faire sans l'appui d'une municipalité ou d'un Conseil général. La SACD s'attache à faire cohabiter ces deux différentes approches de la vie culturelle.

Comment se répartissent les fonds ?

La répartition est l'un des plus mauvais moments qu'un président d'une société d'auteurs puisse traverser, car c'est un moment de grande hypocrisie. Aussi, les présidents successifs de la SACD se sont-ils attachés à clarifier et à rendre transparente la première répartition. Celle-ci se fonde sur ce que nous appelons « intérêt général », c'est-à-dire l'investissement de fonds de l'action culturelle menée par d'autres sociétés à des manifestations avec lesquelles la SACD entretient des liens organiques ou contractuels. La démarche est assez récente, elle date de deux ans. Cela ne marche pas mal... jusqu'à la prochaine réforme !

J'en donnerai deux exemples.

Pour permettre l'aide sélective, nous avons créé l'association Beaumarchais qui subventionne en toute indépendance, sans impliquer la SACD. Cette association fait donc de l'aide sélective dans tous les domaines et répertoires, et présente cette originalité d'être « one shot », c'est-à-dire que l'on ne peut bénéficier de son subventionnement qu'une fois – sans exception aucune.

Nous avons conclu avec l'ARP, l'Association des réalisateurs producteurs, l'accord d'intérêt général. L'ARP est une société civile de perception qui a préféré, au moment de sa fondation en 1987, ne pas intervenir sur la perception individuelle de l'argent de la copie privée de ses auteurs, mais les identifier à l'intérieur de la SACD et utiliser l'argent généré par ses auteurs en actions culturelles. Pour le dire plus simplement, une œuvre copiée un soir à la télévision générera de la copie privée, dont 75 % iront à l'auteur et, conformément à la loi, 25 % à l'action culturelle. Les membres de l'ARP touchent donc 75 % par l'intermédiaire de la SACD, qui reverse à l'ARP l'équivalent de 25 % pour ses propres actions culturelles. Un autre exemple de ce que nous appelons "L'intérêt général" compte aussi l'action culturelle internationale et l'action culturelle décentralisée. Comme vous le savez, la SACD perçoit les droits théâtraux dans un réseau qu'elle a en commun avec la SACEM. Des personnes, dotées d'un caractère extrêmement sacrificiel, se rendent pour nous dans les théâtres ou pour la SACEM dans les boîtes de nuit, réclamer l'argent acquis au titre des droits d'auteur. Souvent, ces délégués régionaux souhaitent aider l'action culturelle régionale, parce qu'ils veulent entretenir de bons rapports avec les troupes ou les auteurs.

Voilà pour la part « intérêt général ». Vient ensuite la part « répertoire par répertoire », qui représente environ 30 % du total : chaque répertoire perçoit des subsides en fonction de ce qu'il génère, puis nous nous livrons à un calcul savant de mutualisation, car la copie des œuvres de la chorégraphie à la télévision, par exemple, ne rapporte pas énormément. Nous procédons donc à des équilibres savants pour que le « trop » de la copie générée par la création audiovisuelle, la télévision ou le téléfilm, profite au spectacle vivant. Je vous épargne la présentation de ce calcul savant, très bien expliqué sur le site de la SACD. Toujours est-il que chaque répertoire a la liberté d'aider qui il veut. Je reviendrai par la suite sur le contenu, où se joue la vraie question de notre débat, à savoir sommes-nous ou non des acteurs culturels ?

Enfin, la troisième part est la mutualisation. C'est l'effort de la SACD pour que l'ensemble des répertoires concoure à l'amélioration d'un des leurs.

Le fonds de la SACD a été créé il y a cinq ans, lorsque j'étais président de la société.

L'aide à l'écriture théâtrale attribuée par la Fondation Beaumarchais est certes très sympathique mais, au fond, est insuffisante... Bien sûr, elle soutient les auteurs financièrement et leur permet de survivre, mais elle ne permet absolument pas de replacer leur création dans le cursus d'une représentation possible. Je ne pense pas qu'il y ait trop de pièces comme on l'entend dire parfois, il n'y a jamais trop d'œuvres. Mais je reconnais qu'elles sont malgré tout nombreuses, et qu'il est nécessaire de créer des systèmes sélectifs et des incitations pour aider les auteurs à monter leurs pièces.

L'idée a été de demander à la copie privée audiovisuelle de constituer un fonds Théâtre pour apporter des ressources, non à l'aide à l'écriture, mais à l'aide à la production. Dans ce cadre, un théâtre vient nous présenter un projet, qui est soumis à un jury. Pour être financé, ce projet doit obéir à différents critères : l'auteur doit être membre de la SACD, le producteur doit accepter de signer un contrat en bonne et due forme, etc. Cependant la SACD n'a pas le droit de favoriser l'un de ses membres. Nous avons donc décidé que le jury de sélection ne comprendrait aucun membre du conseil de la SACD. Le jury actuel ne comprend pas d'auteur dramatique, mais un écrivain, un directeur de théâtre ainsi que des personnalités qualifiées, hors du cercle SACD. Il est présidé par le président de la SACD, mais celui-ci n'a pas droit de vote. Ce fonds fonctionne très bien. Pour une pièce qui se monte à Paris, la somme attribuée est de l'ordre de 10 000 €.

La pièce de Gabor Rassov, Les amis du placard avec Didier Bénureau, qui se joue à la Pépinière, s'inscrit exactement dans cette procédure et son profil correspond aux pièces que nous voulions toucher : il s'agit d'une pièce d'un auteur français ou francophone montée dans un théâtre privé. Douze mille euros lui ont été attribués pour amorcer la production, attirer la mise en scène et aider le théâtre à savoir que, même si cela ne se passait pas très bien, il s'en sortirait tout de même un peu. Certes, une telle action paraît relever du saupoudrage au regard d'un budget, mais elle est incitative. La pièce est actuellement jouée à Paris et il est extrêmement satisfaisant de constater qu'elle rencontre le succès !

Nous lançons actuellement un fonds « Projets interactifs » et comptons investir dans des projets de fictions courtes interactives destinées au support Web.

Ces fonds de mutualisation servent aussi à nos propres productions. Ainsi, nous produisons et programmons lors du festival d'Avignon une manifestation qui s'appelle Le sujet à vif ; nous faisons s'entrecroiser les différents répertoires de la SACD : chorégraphie et musique de scène, texte et musique, chorégraphie et texte, etc. Ces huit spectacles d'une heure génèrent même des recettes ! C'est une manifestation « in » du festival.

Voilà, selon moi, ce que doit être l'action culturelle de la SACD : faire en sorte que son conseil d'administration composé d'auteurs génère des idées qui expriment l'état de sa créativité. Et quand un auteur choisit d'autres auteurs, s'il a un tant soit peu le sens collectif, c'est généralement très bien !

L'aide par répertoire, vous l'aurez ressenti, est celle qui me satisfait le moins, car notre action se borne souvent à ne subventionner que des professionnels organisateurs de festivals, de rencontres et autres colloques. Un jour, je le crains, quelqu'un viendra nous demander des fonds pour organiser le festival des animateurs de festivals ! Ce sera le bout du bout de ce nouveau métier qui existe depuis une trentaine d'années. C'est ainsi que des personnes passent de festival en festival, de la Ciotat, à Bourges, puis à La Rochelle, etc. Ils créent un festival qui est un échec et partent plus loin en créer un autre. Aujourd'hui, il y a quasiment un festival par ville ! Cette explosion de festivals devient affolante et n'a pas vraiment de sens pour nous.

Bien évidemment, nous avons des chouchous et essayons d'approcher des personnes dont nous avons l'impression que le travail local est pertinent. Mais nous faisons aussi en sorte de ne pas avoir d'abonnés. À cette fin, nous avons décidé de ne pas les aider plus de trois ans.

Hervé Hamon

Jean-François Michel, pouvez-vous nous parler de la politique de Diversités ?

 Jean-François Michel

Je vous parlerai aussi de la future politique de l'État dans ce domaine, car j'ai la particularité depuis trente ans, d'être en contact permanent et en partenariat avec des sociétés de gestion collective pour des actions d'intérêt général. J'ai eu la chance de participer il y a bien longtemps déjà aux travaux préparatoires à la copie privée.

Issu du secteur de la musique, même si j'ai d'autres activités aujourd'hui, j'ai travaillé avec la SACEM et les producteurs de disques à créer un fonds qui pouvait générer le fruit de cette copie privée. À l'époque, il ne faut pas se le cacher, le gouvernement voulait créer une taxe. Nous avons donc imaginé cette règle des 25 % qui a permis aux sociétés de gestion collective d'être des acteurs culturels. Cela a aussi permis d'établir l'idée auprès des députés que les sociétés civiles n'étaient pas des saltimbanques, mais qu'elles étaient capables de s'organiser avec les autres parties prenantes et de conduire une vraie politique culturelle.

Très rapidement, a été créé, par exemple, le Fonds pour la création musicale qui, grâce à la copie privée, est venu soutenir des actions dans le domaine de la musique. Les sociétés d'auteurs et la Sacem ont été là dès le début.

Puis, en 1993, nous avons créé un Bureau export de la musique française. Là encore, la SACEM fut présente dès le début ainsi que les producteurs de disques et les pouvoirs publics.

En 1995, fut créé le Bureau européen de la musique, dont l'objet était de faire du lobbying au titre des actions culturelles. En fait, nous étions très jaloux du cinéma, qui avait un beau programme que les secteurs du livre ou de la musique ne détenaient pas ! Toutes les sociétés d'auteurs européennes se sont retrouvées principaux financeurs de ce Bureau. Les sociétés d'auteurs ne communiquent pas toujours suffisamment auprès de la Commission européenne pour montrer le rôle déterminant qu'elles jouent dans la vie culturelle des industries créatives.

Puis, ce fut au tour de Diversités d'être créée. Cette association regroupe le BIEF, le Bureau export de la musique française, Unifrance, TVFI et les sociétés d'auteurs comme la SOFIA, la SACD, la Sacem et bien d'autres. Au début, il s'agissait, très modestement, d'essayer de promouvoir la diversité culturelle au titre de nos activités. Après avoir mené plusieurs gros projets avec la Commission européenne, aujourd'hui, Diversités est mandatée par les Affaires étrangères pour réfléchir à une plate-forme réunissant l'ensemble des acteurs des industries culturelles et ceux du numérique afin d'optimiser la présence de la création française à l'étranger en lien avec le réseau culturel.

Assez modeste, cette action vise à réunir tous les mois les différents acteurs à l'occasion d'un atelier sur des thématiques précises. En caricaturant quelque peu, on peut dire que les gens du numérique pensent toujours que ceux du contenu sont des ringards et que ces derniers considèrent que les premiers ne sont que des voleurs ! Il importait donc que, sur des actions concrètes et précises, ces personnes puissent dialoguer. Une étude nous a réunis pendant six mois avec les Affaires étrangères et il s'est avéré que cette initiative suscitait un fort intérêt, notamment dans une période ou les industries culturelles sont affrontées à une profonde mutation de leurs activités.

Le premier Atelier français, qui se tiendra en octobre, portera sur la promotion en ligne et les outils appliqués à la musique. Puis, nous traiterons de l'édition numérique. Là encore, toutes les sociétés d'auteurs seront présentes par le biais de la SOFIA, de la SACEM, de la SACD, etc. J'ai toujours constaté la forte participation des sociétés d'auteurs aux actions d'intérêt général que j'ai été amené à mettre en oeuvre; avec les producteurs aussi, et souvent avec les artistes, mais en tout cas, à chaque fois, avec les sociétés d'auteurs.

Maintenant, je change de casquette. Je suis entré dans la catégorie que Laurent Heynemann évoquait : un pauvre gars de festival ! Depuis cinq ans, en effet, je préside le festival des Correspondances de Manosque, qui s'efforce de réaliser un travail intéressant, ou ressenti comme tel par les auteurs. C'est pour moi une belle expérience. En arrivant, j'ai constaté qu'il n'y avait pas de sociétés d'auteurs présentes au tour de table. Mais c'est aujourd'hui chose faite : nous venons de lier cette année avec la SOFIA, un partenariat qui nous a permis d'engager un véritable programme expérimental.

Car, quel est, en fait, le rôle des sociétés d'auteurs ? D'une part, c'est d'apporter un vrai lien avec les professionnels.. Comme le disait Laurent Heynemann, on peut faire beaucoup de choses intéressantes, mais qui ne sont pas liées au développement du métier. L'expertise du métier d'auteur est donc importante.

D'autre part, peut-être est-ce un fantasme, mais cela s'est vérifié avec cette action engagée avec la SOFIA : leur rôle consiste aussi à apporter des fonds voués à des actions d'intérêt général pour soutenir l'innovation. Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin d'expérimenter. Cela ne peut donc pas être du court terme ni du financement immédiat. Aussi, face à la mutation de nos métiers, l'appui des sociétés d'auteurs paraît essentiel pour permettre l'expérimentation.

Au surplus, gageons que si les professionnels, les sociétés d'auteurs et les autres organismes sont là, les pouvoirs publics viendront. Les sociétés d'auteurs jouent donc aussi un rôle prescripteur à ne pas négliger.

Florence-Marie Piriou

Jeune société, nouvelle entrante dans le secteur de la rémunération pour copie privée, SOFIA considère que l'action culturelle est importante pour elle qui représente, à parité dans ses instances, des auteurs et des éditeurs. C'est évident pour le livre qui est porté, à la fois, par ces deux acteurs. Lorsque, en 2001, sous l'impulsion de la Société des gens de lettres et du Syndicat national de l'édition, le législateur a adopté un texte visant à étendre la rémunération pour « copie privée » aux autres œuvres fixées sur d'autres supports que les phonogrammes et les vidéogrammes, il a aussi arrêté la règle de répartition à parts égales entre auteurs et éditeurs.

La source de financement des actions culturelles soutenues par SOFIA provient donc de cette rémunération pour copie privée. Une autre source prévue par le code est celle des « irrépartissables », dont on parle peu. En fait, il s'agit de rémunérations destinées à des ayants droit que l'on n'a pas pu retrouver, ainsi que celles qui sont attachées à des œuvres étrangères mais qui n'ont pu être réparties, faute de convention internationale applicable et d'organismes correspondants dans les pays en cause ou d'accords avec eux. Cette part des irrépartissables est également affectée à des actions culturelles.

Pour SOFIA, la mise en œuvre d'un dispositif d'aides aux actions culturelles est intervenue assez tardivement, puisque nous n'avons pu percevoir ces sommes qu'à partir de l'année 2007 et que nous avons commencé à les répartir en 2009. C'est donc une pratique de gestion très récente.

Les règles d'affectation devaient naturellement observer les prescriptions légales. Or celles-ci sont très précises. Elles résultent, tout d'abord, de l'article 321-9 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que ces fonds sont utilisés : « à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes. » Un décret est ensuite, venu définir, en 1998, « les actions d'aide à la création », comme s'entendant assez largement des « aides à la promotion des œuvres, à la diffusion, mais également à la défense des intérêts des auteurs ou des ayants droit». Ces aides visaient aussi à soutenir les campagnes en faveur de la propriété intellectuelle. Enfin, une lettre du directeur de cabinet du ministre de la Culture s'est attachée à dessiner avec une encore plus grande minutie – sous le contrôle du juge, bien entendu, – les contours des actions éligibles au régime de ces aides. Nous nous sommes donc principalement fondés sur ces textes pour attribuer nos fonds. Il s'agit d'une prérogative du conseil d'administration de SOFIA, qui l'exerce, par délégation, en formation restreinte, au sein d'une « commission permanente » émanant de lui. Cette commission est ainsi composée d'administrateurs issus, à parts égales, de ses collèges auteurs et éditeurs. En 2009, l'information des actions culturelles a été rapidement diffusée auprès de nos adhérents, lorsque nous leur avons envoyé leurs premiers relevés et règlements de la rémunération pour copie privée.

Aujourd'hui, pour limiter un engouement démesuré et éviter toute difficulté à traiter puis à suivre des demandes trop hétérogènes au moyen d'équipes internes peu nombreuses, le conseil d'administration a souhaité que les aides bénéficient plutôt à des actions d'intérêt collectif, qu'il ne s'agisse pas de dossiers d'aides financières individuelles mais plutôt de programmes de formations conçus en faveur des auteurs, d'aides à la création impliquant plusieurs acteurs, soutenant des associations porteuses de manifestations culturelles alimentées par le livre.

De même, Sofia ne souhaite pas constituer la seule source de financement des actions soutenues. Il faut donc qu'elles bénéficient du concours d'au moins un autre partenaire, tout en remplissant les conditions légales.

Dès la première année, nous avons perçu une vraie demande de formation. Par l'intermédiaire de leurs organismes professionnels, tels que la Charte des auteurs pour la Jeunesse ou le Groupement des illustrateurs Jeunesse, les auteurs ont demandé à bénéficier d'actions de formation portant essentiellement sur la maîtrise d'outils techniques. Ce besoin de formation s'étant aussi manifesté au sein de la Société des gens de lettres, celle-ci a elle-même organisé des sessions d'information à l'intention des auteurs sur leur statut juridique et social.

En raison de la mutation numérique affectant, désormais, la diffusion du livre, l'ambition de numériser l'ensemble des œuvres s'est fait jour. Cette préoccupation touche les éditeurs, lesquels ont pu bénéficier des aides aux actions culturelles pour organiser les Assises du livre numérique.

En 2009, 83 % des ressources ont été affectés aux formations des auteurs et à l'information sur les droits, au cœur des métiers. Des créations ont également été réalisées et quelques études ont été lancées. L'une d'entre elles, dont les résultats paraîtront dans deux ans, consiste en une enquête, dans plusieurs pays francophones, sur les auteurs d'un premier roman. Nous avons également apporté notre concours aux « 24 heures de la Bande dessinée » : à l'occasion du festival d'Angoulême, durant 24 heures, des auteurs, amateurs comme professionnels, se lancent le défi d'écrire une histoire qui est mise en ligne au terme des 24 heures.

Il existe un foisonnement créatif. Ainsi, nous apportons notre soutien à la lecture publique : des associations d'écoles primaires ou maternelles du XVIIIe arrondissement de Paris nous ont sollicités pour favoriser des rencontres avec des auteurs ou permettre l'achat de livres, l'organisation de jurys, de concours, de fêtes du livre non commerciales.

Nous participons aussi à des rencontres de professionnels sur des thèmes spécifiques qui tournent autour de la création ou de leurs droits.

Tout cela est assez récent pour notre société. En termes budgétaires, le volume total des perceptions au titre de la copie privée numérique s'élève annuellement à 4 millions d'euros, à distribuer entre les auteurs et les éditeurs du livre. Ces sommes ne concernent pas seulement les ayants droit représentés au sein de la SOFIA, mais aussi des auteurs présents à la SCAM, à l'ADAGP, à la SAIF ou à la SACD pour le théâtre, puisque 100 % de la rémunération pour copie privée destinés au théâtre vont directement à la SACD. Ce sont plus de 15 000 auteurs qui bénéficient de cette rémunération.

La part « éditeurs » est non négligeable, puisqu'elle repose sur ce qui est perçu à la fois au titre de l'image et du texte – si bien que, par rapport à d'autres sociétés, l'action culturelle est relativement importante : le quart copie privée destiné aux aides à la création et à la formation représente environ un million d'euros par an. Autant qu'à la SCAM ! Il est important pour une société nouvelle de valoriser ainsi la création qui relève du livre.

Nous recevons peu de demandes concernant le spectacle vivant, mais nous en avons qui concernent des adaptations théâtrales, ainsi que des adaptations de bande dessinée à l'opéra ou en relation avec des créations chorégraphiques.

C'est un nouveau vecteur culturel qui dépend de professionnels de la création. Toutefois, nous devons avoir à l'esprit que le législateur, en 1985, entendait surtout rétablir l'équilibre rompu par les nouvelles formes de diffusion des œuvres. Dans la mesure où il existe une exception dans la loi, pour permettre aux particuliers de copier des œuvres pour leur usage privé, une telle pratique allait nécessairement entraîner un manque à gagner pour les différents acteurs de la création et une baisse de leur activité, il était donc légitime de compenser cette perte de revenu et d'encourager la création. Il a donc été décidé qu'une partie des nouvelles rémunérations perçues serait utilisée à des actions d'intérêt professionnel permettant d'accroître l'activité. La quote-part en faveur du soutien à la création fut fixée à 25 % des sommes collectées. Cette contribution avec le développement de la copie numérique est devenue essentielle pour l'avenir des créateurs. Actuellement, un changement de prisme s'opère entre le financement public qui est en train de se réduire comme peau de chagrin dans le domaine culturel où se développe de plus en plus une forme de partenariat public-privé ; nous devenons des partenaires du public, en intervenant dans le cadre de festivals littéraires, comme, par exemple, celui de Paris en toutes lettres ou Les Correspondances de Manosque. Une expérience en matière de la formation professionnelle continue des auteurs a été réalisée en coopération avec le MOTif et en partenariat avec des sociétés d'auteurs et le Conseil régional d'Île-de-France et ce, au bénéfice des auteurs de l'écrit. Cet exemple de partenariat public-privé devrait s'inscrire dans la durée, sauf à ce que la rémunération pour copie privée diminue, à son tour. On peut plutôt imaginer qu'elle puisse augmenter, notamment si les liseuses électroniques deviennent « populaires » : nous pourrons, alors, rêver à un avenir radieux pour la copie privée !

 Hervé Hamon

J'espère qu'on rêve encore aussi à la SCAM ?

Hervé Rony

Nombre d'entre vous connaissent la SCAM. Je précise toutefois que son répertoire est plus divers qu'on ne le pense, dans la mesure où, sur 28 000 auteurs, nous comptons près de 5 000 journalistes, plusieurs centaines de photographes, des documentaristes et des gens de radio. Au-delà des documentaristes qui ont créé la maison et qui continuent de faire exister la SCAM, de nombreux autres répertoires se sont développés autour et à partir du milieu du documentaire.

Aujourd'hui, notre politique culturelle est assise sur un budget légèrement inférieur à 1,5 million d'euros, sensiblement inférieur à nos perceptions qui ont atteint parfois 90 millions d'euros. J'entends par là que nos rémunérations sur copie privée sont marginales au regard de l'ensemble de nos perceptions ou, si on les compare, au-delà des irrépartissables, à ce que représente la copie privée. Mais on oublie aussi que, dans les sociétés de droits voisins, la rémunération équitable radio – qui vient d'être considérablement revalorisée – entraîne elle-même une progression très forte de l'action culturelle. Les sociétés de perception de droits voisins apportent donc une contribution à des sociétés civiles qui est supérieure à ce qu'elle est dans les sociétés d'auteurs comparables. Je ne fais là que constater une réalité liée à l'origine des perceptions.

La SCAM mène une politique culturelle que je juge intéressante. Nouveau venu dans cette enceinte, j'ai encore une position, si ce n'est de recul, du moins d'analyse – la position de celui qui voit les choses sans en avoir été à l'origine. Je me rends compte que la SCAM a engagé une politique culturelle qui essaie de lutter contre cette tendance inéluctable de saupoudrer tous azimuts en faveur de tous les festivals existants. Je suis sidéré de voir à quel point chaque jour, et continuellement, la direction des affaires culturelles de la SCAM est submergée de demandes auxquelles il est, au demeurant, assez difficile de répondre négativement.

On peut regretter ce saupoudrage, mais en même temps, j'aimerais savoir comment refuser son soutien à quelqu'un qui, généralement, possède une petite notoriété et qui a décidé de créer le festival de la photographie de presse à Hazebrouk ou celui du documentaire animalier à Épinal ? On se dit qu'il faut lui donner sa chance ; c'est ainsi que 1 000 à 2 000 euros lui sont accordés, et ainsi de suite, les petites rivières faisant de grands fleuves, l'argent s'écoule sans que l'on sache très bien à quoi il sert.

De mon point de vue, il existe deux catégories de festivals et d'événement culturels. Il y a ce que j'appellerai les festivals « Monsieur le maire ». On les nommait ainsi quand j'étais dans la musique, mais je vois mal pourquoi il en irait différemment dans l'audiovisuel, la presse ou la photographie. C'est la grande mode aujourd'hui. Il n'existe pas un patron de collectivité locale qui ne crée son festival : cela fait bien, cela fait venir les touristes et les restaurateurs sont contents. Je dis cela sans ironie aucune. Mais la question est de savoir à quoi sert ce type de festival culturellement. Car il existe aussi les festivals « attrape-tout » : on convoque une ou deux stars du secteur ; on organise deux ou trois petites causeries... et l'on ne prend aucun risque culturel ! C'est légitime, mais cela n'appelle pas de contribution de la part des sociétés de gestion collective, plutôt des contributions des collectivités locales.

Il faut donc que nous fassions la part entre ce que j'appelle le festival « Monsieur le maire » et le festival qui apporte un nouvel éclairage, celui qui consent un effort particulier pour mettre en valeur un patrimoine, une création ou des œuvres, celui dont on se dit que, sans lui, il manquerait quelque chose. La question est compliquée, nous nous en apercevons chaque fois que la commission Culture instruit un dossier. Mais des efforts particuliers sont visibles : je me suis rendu à Bayeux au festival sur les Correspondants de guerre : il se passe vraiment quelque chose dans ce festival. Il en est de même du Festival Longueur d'ondes de Brest pour la radio ou encore du Festival du Film Documentaire de Lussas en Ardèche.

Le débat actuel à la SCAM porte, non pas sur une redéfinition de sa politique culturelle, mais sur le sens de cette politique culturelle. Selon moi, il faut le sanctuariser : si l'on ne peut pas résister à certaines formes de saupoudrage, il faut préserver dans chacun des répertoires des événements majeurs à l'égard desquels on retrouve ce dont parlait Laurent Heynemann en évoquant la présence de la SACD en Avignon, à savoir un partenariat qui ait du sens pour les deux parties. C'est ce que nous recherchons : d'un côté, arriver à créer un vrai partenariat culturel ; de l'autre, accepter d'être un guichet de saupoudrage ; accepter de remplir cette quasi mission de service public qui nous est confiée de par la loi et en raison de ce qu'est devenue la gestion collective aujourd'hui. Mais il convient de veiller à ce que ce saupoudrage ne vienne pas entamer les actions de fond.

À la SCAM, nous organisons des soirées, à mi-chemin entre l'action culturelle et le service aux auteurs, des soirées de débats thématiques autour d'un thème culturel, soit dans le cadre de soirées qui revêtent un caractère informatif et de rassemblement de nos auteurs afin qu'ils aient le sentiment d'appartenir à une maison où il se passe des choses. Sans toucher à notre budget culturel, nous offrons la possibilité à nos auteurs de louer pour cent euros un auditorium qui nous appartient. C'est une très belle salle de projection. Nous leur offrons l'impression de 300 cartons d'invitation. Ils n'ont que le cocktail à payer. Certains soirs, ce sont cacaouhètes, jus d'orange et eau plate ; d'autres soirs, c'est plus bourgeois !

Je veux souligner combien il est important que des actions aient lieu sur place. C'est une volonté de nos membres que je trouve très intéressante. Faire vivre pour nos auteurs ce très beau lieu dans lequel nous sommes installés fait aussi partie de l'action culturelle. L'action culturelle doit servir à quelque chose. Il ne faut pas faire parce que l'on y est tenu. Il est nécessaire que cette action culturelle soit reliée, ressemble à ce que les auteurs ont envie que la maison soit. Cette idée de faire vivre à travers la relation culturelle la politique de la maison, son image et la manière dont les auteurs ont envie qu'elle existe me semble essentielle.

 Hervé Hamon

Les auteurs de l'écrit connaissent ces festivals « Monsieur le maire ». Ce sont tous ces salons du livre, où nous nous retrouvons alignés comme des bœufs, chacun avec sa plante verte. Le non-événement culturel par excellence !

Mais nous allons maintenant entendre Olivier Brillanceau de la SAIF.

Olivier Brillanceau

Je dirige la plus jeune des sociétés d'auteurs. La SAIF a été créée en 1999, quasi simultanément à la création de la SOFIA. Le développement de l'action culturelle en ce qui concerne le domaine des arts visuels est assez récent. L'essentiel des sommes provient, cela a été dit, de l'affectation légale des 25 % de la copie privée à des actions d'intérêt général.

La réforme de la copie privée dans le code de la propriété intellectuelle date, pour ce qui est des arts visuels, de 2001. Auparavant, les arts visuels bénéficiaient d'une petite part de la rémunération pour copie privée des vidéogrammes pour des œuvres d'arts visuels incorporées dans des programmes audiovisuels, des films de cinéma ou des documentaires. Cette part étant assez faible, le «quart copie privée » affectable à l'action culturelle, par voie de conséquence, l'était aussi.

Le changement est intervenu en 2001 avec la réforme légale de la rémunération pour copie privée dont le champ est désormais élargit à toutes les œuvres fixées sur tout autre support que le phonogramme et le vidéogramme. La mise en œuvre des nouvelles dispositions légales s'est opérée à partir de 2003 avec l'entrée en vigueur d'un premier barème, applicable au seul CD vierge. Puis, les premières perceptions sont intervenues en 2007 ; elles se sont développées à partir de 2009 avec l'intégration de nouveaux supports : les disques durs externes, les DVD-R, les cartes-mémoires et les clefs USB. Les budgets d'action culturelle commencent donc à être importants depuis 2007. Évidemment, ces budgets s'accroissant, il fallut s'organiser et définir une méthodologie d'affectation de ces sommes à l'action culturelle.

Tout d'abord, je relève que l'action culturelle a été définie par la loi du 3 juillet 1985 pour une copie privée concernant à l'époque les seuls domaines de la musique, du théâtre et de l'audiovisuel. La loi parle, par exemple, « d'aide au spectacle vivant ». S'agissant de photographes, de dessinateurs ou de peintres, le spectacle vivant ne recouvre pas la même acception que pour la représentation théâtrale ou le concert d'un orchestre philharmonique. Il a donc fallu interpréter ces dispositions ; dans notre secteur, il s'agit des projections publiques, des expositions d'art conptemporain, de photographies, de dessins et, bien sûr, des festivals et des salons. Car nous sommes également soumis à une forte demande des festivals, notamment dans le domaine de la photographie , Chaque maire rêve aussi d'avoir son festival photographique ! Il a donc fallu adopter des règles pour opérer les arbitrages.

Les demandes portent, pour l'essentiel, sur deux aspects  : festivals et expositions collectives d'une part, et formation professionnelle.

Quelles règles avons-nous mis en place ?

Le conseil d'administration de la société a créé une commission spéciale. Compte tenu de la modestie des budgets initiaux, nous nous sommes concentrés sur des actions d'intérêt collectif. Nous n'aidons pas de projets individuels, mais des projets collectifs. Par exemple, nous sommes intervenus sur un projet d'un collectif de photographes dans le cadre du « Mois de la photo » à Paris en novembre, mais pas sur des projets d'expositions individuelles..

Ensuite, nous essayons de respecter la représentativité de notre répertoire. Les arts visuels constituent un domaine très large. Il faut tenir compte de la population que nous représentons et des auteurs que nous défendons dans la perception et la répartition des droits. A la SAIF, les deux tiers des membres de la société sont des photographes. Nous en tenons compte dans la répartition de l'action culturelle. Le troisième tiers se compose principalement de dessinateurs et d'illustrateurs de livres, notamment du livre jeunesse, ainsi que d'auteurs de bandes dessinées et, pour dix de pour cent environ, de plasticiens, peintres et sculpteurs.

Dans le domaine de la photographie, les festivals et les expositions sont pléthores. Deux grands festivals, en France, ont une antériorité et une reconnaissance internationale : les « Rencontres photographiques d'Arles », qui ont maintenant quarante ans, et le Festival « Visa pour l'Image » sur le photojournalisme à Perpignan. Pour la création photographique, ils ont une importance comparable à celles des grands festivals du domaine musical ou théâtral. Dans le domaine de la photographie, les festivals sont principalement financés d'une part, par des subventions publiques – dont il a été dit, dès le début, qu'elles étaient plutôt en diminution et, d'autre part, par les opérateurs économique du secteur. Avec la généralisation de la photographie numérique, les marchands de matériel analogiques ont connu une grave crise et n'ont pas encore retrouvé de marché équivalent dans le domaine numérique.

Je citerai l'exemple d'un acteur économique qui était un partenaire privilégié, ultra-dominant dans le domaine de la photographie. Il n'a pas bien amorcé la révolution du numérique et la quasi-totalité de ses interventions pour soutenir les festivals photographiques a disparu du jour au lendemain, sans être réellement compensée par de nouveaux entrants sur le marché. Nous ne nous sommes évidemment pas substitués à eux, car nos budgets ne sont pas comparables, mais le fait que des sociétés de gestion collective dans le domaine de la photographie aient pu combler quelque peu les budgets perdus en raison des évolutions économiques, a contribué à aider ces festivals historiques, ancrés dans la diffusion de l'art photographique, à poursuivre, édition après édition, un travail très intéressant.

Je cite ces deux grands festivals, mais il existe de nombreuses autres initiatives entre lesquelles il a fallu choisir. Nous ne pouvons pas aider tous les festivals ou expositions « de Monsieur le maire ». Mais il y a des initiatives, des rencontres ou des festivals de photographies de petite taille, que nous avons soutenus dès leur première édition. Sans notre aide, ces festivals n'auraient pas pu monter leur budget. Je pense notamment au festival des « Promenades photographiques de Vendôme », qui en est à sa sixième édition. Mais il est d'autres initiatives comme celles du festival d'images « ManifestO » à Toulouse ou des « Chroniques Nomades » d'Honfleur, qui paraissaient intéressantes à la commission, auxquelles nous avons accordé des moyens qui leur ont permis de se développer et de s'inscrire dans la durée.

Nous intervenons également dans le domaine du dessin, du graphisme. Je citerai notamment le festival international de l'Affiche à Chaumont. Nous venons également par exemple de créer une « bourse BD » en collaboration avec la Cité internationale de la bande dessinée à Angoulême. C'est un vrai partenariat, l'idée étant de confier à un jury l'attribution d'une bourse destinée à un auteur qui ne soit pas un débutant ni quelqu'un de reconnu, mais un professionnel qui ait déjà publié au moins un album au cours des trois années précédentes et ayant un vrai projet. Nous soutenons sur cette action la Cité de la bande dessinée qui offre, pour sa part, une résidence sur place pour la réalisation du projet. Nous trouvions que ce double partenariat – bourse et résidence – permettait de faire avancer des projets susceptibles de soutenir la jeune création en matière de bande dessinée.

Enfin, il y a la demande de formation professionnelle. Comme vous le savez, les auteurs ne bénéficient pas encore d'un régime de formation professionnelle créé par la loi. C'est en discussion, cela viendra peut-être, mais en attendant, nous sommes face à un vide. Or, la demande est considérable, liée notamment au basculement vers les technologies numériques. Les créateurs, qu'ils soient graphistes, illustrateurs, « bédéastes » ou photographes, ont dû basculer vers le numérique. La transition s'est faite de façon très rapide en l'absence de formation professionnelle adéquate.

Les débutants, pour leur part, souffrent d'une méconnaissance totale du contexte général de l'activité professionnelle d'artiste auteur : qu'est-ce que le droit d'auteur ? Qu'est-ce que la sécurité sociale des artistes? Comment et où cotiser ? Comment l'artiste s'intégre t-il dans la société française ? Nous essayons de répondre à ces demandes par des aides diverses, des programmes de formation. L'exemple a été cité tout à l'heure de l'initiative prise par le Conseil général de l'Île-de-France qui a développé un fonds en faveur de la formation professionnelle dans le domaine du livre, dont un volet s'adresse aux arts visuels, photographes et dessinateurs. Nous avons contribué au projet avec deux sociétés d'auteurs présentes autour de la table : la SOFIA et la SACD. Même si la formation professionnelle des auteurs n'existe pas encore, cette action démontre qu'elle est possible en associant des fonds publics et privés. D'une certaine manière, ce sont les auteurs qui contribuent eux-mêmes, dans la mesure où s'ils y consentent au titre de l'action culturelle de leur société, c'est que cela correspond à une décision qu'ils ont prise au sein de leur structure. Nous avons observé une forte demande d'inscription aux formations ainsi financées et le premier bilan d'étape qui a été établi est encourageant. Nous renouvellerons certainement l'expérience.

Laurent Heynemann

La formation professionnelle existe pour les salariés, évidemment. Ainsi, à la SACD, tous les réalisateurs ont un double statut car ils sont à la fois auteurs et salariés. Et en tant que salariés, ils ont accès à la formation professionnelle continue, par exemple pour les effets spéciaux. Tous les ans, nous économisons un peu d'argent provenant de la copie privée afin de lancer un vrai programme de formation. Nous avons d'ailleurs signé la semaine dernière un accord avec France Télévisions, pour la mise en place d'un premier cycle de formation à la production destiné aux auteurs. C'est tout nouveau, et je ne doute pas que France Télévisions sera bientôt imitée par ses collègues du privé...

Je voudrais insister sur le fait que les œuvres qui génèrent de la copie privée ne sont pas nécessairement celles qui font le plus d'audience à la télévision. Je vous donnerai un exemple personnel : J'ai réalisé il y a dix ans « Un aller simple », film avec Jacques Villeret qui n'a pas rencontré le succès dans les salles. TF1, coproducteur du film, ne l'a diffusé qu'au lendemain du décès de l'acteur, en deuxième partie de soirée. Le taux de copiage a été énorme, et la rémunération fut en conséquence, alors que c'est celui de mes films qui a le moins marché ! D'un point de vue philosophique, chacun doit comprendre que c'est l'acte de copie qui génère la rémunération.

Jean-François Michel

Les sociétés de gestion collective doivent absolument renforcer leurs capacités de communication, car trop de gens pensent encore qu'elles ne sont qu'une annexe de Bercy. Hors du microcosme, au-delà de la seule répartition aux ayants-droits des sommes collectées, personne ne connait notre travail en matière de culture ! Voilà des années que je souhaite une véritable politique de communication qui mette en valeur, de façon concrète, l'apport incontournable des auteurs à l'action culturelle.

Florence-Marie Piriou

À cet égard, depuis deux ans, existe une Association : « La culture avec la copie privée », qui fédère l'ensemble des sociétés d'auteurs, de producteurs ou d'artistes-interprètes percevant des rémunérations pour copie privée, dans les différents secteurs de la musique, de l'image ou de l'écrit. Le but de cette association est de faire connaître au grand public le rôle culturel de cette rémunération à un moment où le droit d'auteur n'a jamais été aussi maltraité. Pourtant, sur toutes les affiches de festivals figurent les logos de la SACD ou de la Culture avec la Copie privée... Ainsi, cette association vient d'entreprendre une campagne de communication et fêtera bientôt les "25 ans d'action culturelle grâce à la copie privée".

Jean-François Michel

Il ne s'agit pas uniquement d'informer le consommateur, mais aussi le législateur ! Il apparait nécessaire de communiquer au-delà du d'un simple logo sur une affiche. Les sociétés d'auteurs doivent aussi s'approprier les manifestations qu'elles soutiennent, et communiquer de façon plus volontariste.

Force est de reconnaitre, que les sociétés d'auteurs ne sont toujours pas reconnues comme des acteurs majeurs de la vie culturelle du pays.

Hervé Rony

Votre aide n'est pas négligeable en effet, même s'il ne s'agit que de quelques pourcents, mais ce qui intéresse les maires, là où se montent des événements, c'est la fréquentation. Et quand des auteurs font le déplacement, il ne faut pas en sous-estimer l'effet prescripteur.

Laurent Heynemann

On nous pose souvent la question de notre relation avec le politique. C'est vrai qu'un maire est toujours content de pouvoir bénéficier d'une subvention supplémentaire, mais lorsqu'il est député-maire et qu'à l'Assemblée nationale il y a une tentative de suppression de la copie privée, ne va-t-il pas céder à la pression des consommateurs ? La tendance démagogique actuelle qui met l'accent sur l'accès de tous à la culture met en danger la législation sur la copie privée. Non pas qu'elle soit mal comprise, mais parce que cela ressort d'une idéologie selon laquelle la culture doit être gratuite.

Prenons l'exemple du député-maire de Beaune, qui pendant vingt ans a accueilli les rencontres cinématographiques de Beaune, rendez-vous incontournable du droit d'auteur en Europe où les ministres de la culture se devaient de participer aux débats. Sous la pression des électeurs -et de leurs enfants-, de plus en plus d'élus se mettent à combattre les modèles et les symboles de la culture payante. Or, la copie privée en est un. Si vous êtes abonnés à Itunes, les factures de ce site d'offres légales ne manqueront pas de détailler les taxes pour copie privée, comme pour souligner le caractère prédateur des auteurs ou des ayants-droits.

La copie privée est en danger, tout comme la culture est en danger. Le système d'aide mis en place consacre en effet une certaine idée de la culture, avec l'intervention de professionnels et donc une absence de gratuité. Mais si rien n'est gratuit, rien n'est cher non plus ! Or, l'idéologie libertaire issue d'internet va à l'encontre de cette idée de démocratie culturelle. Se battre pour la copie privée, c'est aussi se battre pour défendre l'idée que la culture a une économie, sachant qu'un droit sans économie finit par s'évaporer et tomber en poussière.

Hervé Hamon

De même que défendre le droit d'auteur, c'est défendre la liberté de création.

Il faut donc à la fois mener une opération de communication en interne, au sein même des sociétés de perception de droits, et trouver les moyens de s'adresser au public, de plus en plus impliqué.

Laurent Heynemann

Nos moyens sont la conviction politique et la communication. Lorsqu'il y a cinq ans a pesé une menace sur la rémunération, j'ai écrit à tous les maires de France pour avertir ceux qui avaient accueilli des manifestations culturelles qu'ils risquaient de se retrouver seuls pour créer du lien social. Il s'agit d'une bataille politique : à nous de convaincre maires, députés et sénateurs de la nécessité de soutenir la culture.

Hervé Rony

Il y a comme un paradoxe : tandis que le nombre d'œuvres en circulation augmente, on assiste à une dilution de la notion d'œuvre, d'artiste ou d'auteur, et donc des rémunérations qui doivent leur être versées. Trop d'exposition tue l'exposition. Avec cette atroce banalisation de ce qu'est une œuvre, on tombe dans une confusion mentale généralisée et les auteurs sont dès lors confrontés à une perte de leur légitimité naturelle. Il devient difficile de défendre les droits, les rémunérations des créateurs ou les mécanismes de régulation, c'est pourquoi il importe de faire connaitre notre action et de convaincre les consommateurs, la presse et les hommes politiques de la nécessité de garder une culture vivante et forte en France, véritable pays de cocagne vu de l'étranger.

Une intervenante dans la salle

Vous évoquiez tout à l'heure les consommateurs qui s'interrogeaient sur l'usage des sommes collectées. J'y vois une confusion dès le départ, puisqu'il ne s'agit pas de leur argent ! A la différence d'une subvention versée par le ministère de la Culture par exemple, qui relève de l'argent du contribuable, l'argent utilisé ici est celui des auteurs.

Laurent Heynemann

Dans la commission sur la copie privée, outre les ayants-droit et les consommateurs, les fabricants de matériels pensent aussi que c'est leur argent !

Florence-Marie Piriou

Les fabricants des supports de stockage répercutent, dans les prix de vente, le montant de la redevance pour copie privée, fixé par la commission. Quand il en a connaissance, le consommateur a tendance à considérer que le versement de la rémunération pour copie privée l'autorise à tout copier, quelle que soit la source – à ceci près que le Conseil d'État a rappelé que tout ce qui provient d'une source illicite reste de la contrefaçon et n'entre pas dans le champ de la rémunération pour copie privée. Une confusion s'opère, cependant, dans l'esprit de nombreux consommateurs.

Pour en revenir à la remarque de Madame de Montluc, il est vrai qu'il existe une réglementation très stricte visant l'affectation des sommes. Actuellement, le ministère de la Culture s'interroge sur les frais de gestion qui sont prélevés par les sociétés sur le budget des actions culturelles. Cette question doit être posée, sachant qu'il y a, de toute façon, des frais engendrés par la gestion des dossiers concernant ce type d'actions.

Hervé Rony

A la SCAM, les frais annexes que génère l'action culturelle ne sont pas affectés sur les 25%. Ces coûts de gestion rentrent dans un autre budget, touchant une sorte de zone grise à la frontière de l'action culturelle et de l'action de communication et de formation auprès des auteurs, comme par exemple l'organisation de forums. Il est parfois difficile de distinguer entre les deux, mais le ministère de la Culture nous aide à y voir clair lorsque nous avons un doute. In fine, la commission de contrôle nous aidera toujours à y voir clair, car son rôle est de faire rentrer dans le rang la brebis égarée... La procédure de contrôle est certes contraignante, mais il est utile de bénéficier d'un regard extérieur.

Lorsque j'étais membre de la fédération internationale des producteurs de disques, le débat portait sur la crainte d'une trop forte revalorisation de la rémunération pour copie privée, au risque de ruiner l'idée que l'on pouvait continuer à réclamer sur la base du droit exclusif une rémunération forte. Et d'une certaine façon cette crainte demeure : à force d'augmenter les rémunérations pour copie privée, on aborde dangereusement les rives du débat sur la licence globale. Il y a donc tout intérêt à sauvegarder le juste équilibre actuel, au risque sinon de se retrouver prisonnier du système mis en place.

Annie Mignard (écrivain, membre de la SACD)
Je suis admirative de l'aide à la création que fait la SACD par l'Association Beaumarchais et par les Fonds, et de votre communication très claire sur les bénéficiaires de l'aide. Quant à la SAIF qui soutient le festival de BD d'Angoulême en finançant la bourse d'un bédéiste, on ne peut que trouver ça très bien. Pour la SOFIA qui est toute jeune, Florence-Marie Piriou rapporte que le Conseil d'Administration a décidé de s'en tenir aux projets collectifs de formation, associations, festivals, etc. L'an passé en 2009, la seule aide à la création soutenait 24 heures de BD mises en ligne par des amateurs et des étudiants. Ma question est donc: y a-t- il une instance, en vous-même ou supérieure, qui puisse dire: attention, l'aide finance trop la formation et pas assez la création? "

Laurent Heynemann

La commission de contrôle des sociétés de répartition et de gestion, issue de la Cour de comptes et née après un coup de force de Michel Charasse, s'est transformée en une commission spécialisée. Sa création révélait, il ne faut pas s'en cacher une suspicion sur la gestion des sociétés d'auteurs.. Et en tant que Président, je peux vous dire que nous avons toujours suivi les recommandations de la commission et même changé nos statuts pour nous accorder avec ses recommandations. Mais le contrôle coûte cher à la société parce qu'elle mobilise des salariés -entre deux et trois par an, ce qui n'est pas négligeable pour une PME. C'est le prix de la transparence. Mais le problème pour les sociétés relativement importantes comme la notre est que le contrôle s'organise selon des thématiques annuelles au carrefour desquelles nous nous trouvons chaque année, ce qui fait que nous sommes contrôlés chaque année...

Pour en revenir à la gestion de l'argent de la copie privée, il ne faut pas oublier que l'aide est aussi un levier de communication pour celui qui l'accorde. On donne par exemple 15000 euros par an à la Quinzaine des réalisateurs, manifestation organisée par la société des réalisateurs de films lors du festival de Cannes. La SACD participe aussi en décernant un prix à l'un des films sélectionnés, qui sera ensuite projeté à Paris. La remise du prix à Cannes est couverte par la presse, de même que la projection parisienne, ce qui montre bien que l'aide individuelle à l'intérieur d'une aide collective peut représenter un outil de communication et de valorisation important.

Cependant il ne faudrait pas que l'argent de la copie privée devienne "le sergent recruteur" des sociétés d'auteur. En effet, dans de nombreux pays des sociétés sont en concurrence et elles le seront de plus en plus par delà les novations de Bruxelles. Je crains juste que certaines sociétés aient l'idée d'utiliser l'argent de l'action culturelle pour attirer les auteurs, les recruter en leur promettant des aides d'action culturelle en échange de leur adhésion et de l'apport de leurs droits. Ce serait une déviance, de la concurrence déloyale et je souhaite que cela n'arrive jamais car tout abus du droit dessert le droit d'auteur.

Olivier Brillanceau

L'action culturelle dans son ensemble est extrêmement encadrée par la loi, au point que l'activité des sociétés de perception et de répartition de droits est sans doute l'une des plus contrôlées et des plus transparentes, tant vis-à-vis de l'extérieur qu'à l'égard des ayants droit membres de ces sociétés. Outre le contrôle de la commission permanente auprès de la Cour des comptes, chaque société doit produire un rapport annuel au ministre de la Culture détaillant l'utilisation des sommes perçues. De plus, ce rapport doit être adopté à la majorité des deux tiers en assemblée générale.

Pour en revenir à la question sur l'aide individuelle accordée à l'auteur de bandes dessinées, je précise que cette exception est justifiée par le fait qu'il s'agit simplement de doter une bourse, sans être décisionnaire quant au lauréat, dans le cadre d'un partenariat avec une résidence d'artistes, la Cité internationale de la BD.

 Hervé Hamon

Je remercie tous les intervenants à la tribune et dans la salle. A l'issue de cette première journée de débats, nous avons compris la force du pouvoir d'action culturelle des sociétés de perception et de gestion de droits, mais aussi la fragilité de ce qui alimente ce moteur. A nous de nous battre : c'est une affaire de citoyens et d'auteurs.

 

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