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Appel à candidatures : résidence d’écriture à Edenkoben (Allemagne) / Août 2024

Une résidence d'un mois (août 2024) au Centre artistique d’Edenkoben en Rhénanie-Palatinat (Allemagne).   Lire la suite

Appel à candidatures: résidence d’auteurs RÉCIT’CHAZELLES

La résidence d’auteurs RÉCIT’CHAZELLES lance son APPEL À CANDIDATURES. La date limite d'inscription est fixée au 30 MARS 2024. Lire la suite

Appel à candidatures: résidences à la Villa Kujoyama en 2025

En 2025, la Villa Kujoyama accueillera environ quinze lauréats et lauréates pour des résidences de 4 à 6 mois. Les lauréats et lauréates sont appelés à nouer des relations de travail avec les milieux professionnels, universitaires, artistiques et culturels de Kyoto, de la région du Kansai et de l’ensemble de l’archipel. Les candidatures peuvent être déposées par un candidat solo, en binôme, ou en duo franco-japonais. Cette année, le processus de sélection est également ouvert aux duos et binômes Arts et Sciences.   Lire la suite

Lancement du site Lecture-Justice

La Fédération interrégionale du livre et de la lecture (Fill), en partenariat avec le ministère de la Culture et le ministère de la Justice, lance le site Internet Lecture-Justice afin d’accompagner le déploiement de projets livre et lecture auprès des personnes placées sous main de justice.   Lire la suite

Véronique Tadjo, poète, romancière, auteur de livres pour la jeunesse

J'ai toujours fonctionné dans la langue française. D'abord parce que c'est la langue officielle en Côte d'Ivoire et donc la langue d'enseignement, ensuite parce que je suis une Abidjanaise. Abidjan, la grande ville, c'est ma réalité. Par ailleurs, mère étant française, nous avons parlé le français à la maison. Le français est donc, véritablement, ma langue maternelle.

En Côte d'Ivoire, le français «de la rue» est une langue parallèle. Il est très parlé et évolue très rapidement. Quand on veut communiquer entre nous, entre amis, on change de registre. C'est cela mon expérience de la francophonie.

Mais, très vite, j'ai voulu m'échapper de cette aire francophone, et m'est venue l'envie de m'approprier l'anglais parce que c'est la langue officielle d'autres pays africains. Cela m'apportait une ouverture beaucoup plus grande. Maintenant, ce passage que j'effectue sans arrêt entre les deux langues m'enrichit et me permet de jeter un autre regard sur le français. Je ne me sens pas appauvrie par le fait que j'utilise la langue anglaise. Pour moi, au contraire, c'est quelque chose qui m'aide à mieux m'épanouir, parce que l'anglais me permet d'avoir accès à d'autres idées, et ces autres idées viennent féconder celles que j'ai dans la langue française.

Pour moi, la langue est avant tout un outil de communication. Si vous habitez en France, par exemple, vous avez envie de communiquer avec ceux qui vous entourent. Donc, vous vous mettez à parler le français. Je pense que c'est normal de chercher tous les moyens possibles pour mieux communiquer. J'ai habité au Nigeria, au Kenya, en Grande-Bretagne et je réside maintenant en Afrique du Sud. L'envie de communiquer m'oblige à utiliser l'anglais pour entrer en relation avec les autres. Je suppose que si je vivais en Chine depuis dix ans, je parlerais le chinois! En fait, je me désole de ne pas parler plus de langues. Pour moi, le multilinguisme, c'est l'avenir.

Si je fais de la peinture et illustre aussi mes livres pour la jeunesse, c'est peut-être, justement, parce que j'aimerais pouvoir me passer des langues qui entraînent la nécessité d'avoir des traductions. L'art visuel a le grand avantage de survoler les frontières. C'est un langage universel.

En ce qui me concerne, prendre la parole pour «soutenir» mes écrits, pour témoigner de la réalité de mon pays, est une nécessité. Mais parfois, cela vient aussi d'un constat d'échec. Cela signifie que je n'ai pas tout dit, qu'il reste encore beaucoup de choses à élucider. Il est vrai que lorsque l'on prend la parole, on a alors tendance à oublier la littérature, oublier le texte pour entrer dans le domaine de l'actualité, de l'éphémère. Mais je pense que c'est inévitable et que ça fait aussi partie de notre métier. Il est bon de pouvoir, au moins de temps en temps, faire entendre sa voix. On écrit, mais quand on finit par se rendre compte qu'il y a si peu de gens qui nous lisent, il faut bien qu'on pousse un peu la parole orale.

Toute langue est à la fois langue de communication et langue de conversation. Toutes les langues sont belles et peuvent exprimer la complexité de notre vie sur terre. Cependant, elles ne sont pas toutes traitées de la même façon. Le poids économique d'une langue finit par peser lourdement dans la balance. Si l'anglais est devenue une langue planétaire, ce n'est pas pour des raisons structurelles (le japonais n'a pas empêché les Japonais d'être parmi les meilleurs dans l'informatique) c'est parce que, derrière, il y a les Etats-Unis, la Grande Bretagne et un bon nombre d'autres pays économiquement puissants. Le français est défavorisé sur ce plan là, puisque la France n'a plus son empire colonial. Il lui reste les chiffres démographiques. Si l'on se base sur le nombre de pays officiellement francophones, cela fait une grosse population, même si trop souvent, la réalité sur le terrain est différente. Le français est parlé dans les villes africaines, mais très peu dans le monde rural. En fait, ces pays sont d'abord africains avant d'être francophones. Par ailleurs, la francophonie en tant que concept reste problématique voir suspecte. C'est une idée inconcevable en anglais. Cela donnerait anglophonie et n'aurait aucun sens. L'autre problème, c'est qu'aujourd'hui encore, la francophonie va du centre (la France) à la périphérie (les autres pays francophones), ce qui perpétue un schéma colonial et entraîne une sorte de main mise sur la langue. On s'en rend bien compte au niveau littéraire. Les œuvres du monde francophone, hors Hexagone, restent marginales. Or, plus on écrira en français dans le monde entier, plus le français aura des chances de résister à la globalisation. Il faudrait en être plus conscient et recentrer les efforts.

Et que dire des langues africaines qui doivent se battre pour survivre face à l'énorme structure de la francophonie ? La perte progressive des langues africaines est une catastrophe. Et cela ne profitera certainement pas à la francophonie. Au contraire, par un espèce de phénomène de compensation, les Africains vont se tourner en plus grande masse vers l'anglais. Quelqu'un dont la culture s'est appauvrie par la perte de sa langue maternelle, n'aura plus de repères. Et alors, il sera beaucoup plus vulnérable à la globalisation. Il se tournera vers la langue qui a la plus grande ouverture sur le monde.

Le français doit donc apprendre à mieux cohabiter avec les autres langues du continent africain en ne les voyant plus comme rivales, mais comme alliées. On peut même envisager que la Francophonie aide à soutenir certaines langues africaines.

Je pense également qu'au moment des indépendances, nos gouvernements ont fait une erreur en choisissant le français comme langue officielle au détriment des langues locales. Il faudrait (re) donner à un certain nombre de langues africaines, le statut de langues officielles. Ce serait là un grand changement qualitatif qui permettrait de retrouver une dignité perdue. Regardez ce que font les Sud Africains. Ils ont onze langues nationales ! C'est beaucoup et certaines finiront certainement par disparaître, mais c'est une richesse à laquelle ils tiennent et ils font tout pour la garder.

Il est indéniable que seul un multilinguisme bien assumé pourra nous mener à un épanouissement culturel à long terme.

 

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