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La SGDL et 72 autres organisations des secteurs de la culture appellent le Gouvernement français à jouer un rôle plus actif au niveau européen en faveur de mesures de régulation de l'IA pour protéger les droits des créateurs et leurs œuvres. Lire la tribune publiée dans "Le Monde", adressée à la Première Ministre Élisabeth Borne :

 

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Madame Elisabeth BORNE Première ministre

Hôtel de Matignon 57, rue de Varenne 75007 PARIS

 

 

Paris, le 29 septembre 2023

 

 

Par courriel exclusivement

Objet : AI ACT - construisons maintenant une IA de rang mondial respectueuse de la propriété littéraire et artistique

 

Madame la Première ministre,

Avec l’installation du Comité de l’intelligence artificielle générative vous avez envoyé un message que nous partageons : l’IA marquera en profondeur nos sociétés, leur organisation et nos économies. De fait, les industries culturelles et créatives, qui représentent aujourd’hui 4,4 % du PIB et plus de 7,5 millions d’emplois dans l’Union européenne1 se sont toujours construites en lien avec les évolutions techniques et technologiques et continuent sur cette voie, l’IA ne faisant pas exception.

La démarche que nous portons auprès de vous s’inscrit autant dans l’urgence que dans la responsabilité : le développement rapide des outils d’IA appelle l’adoption d’un cadre garantissant une réelle transparence sur les œuvres et les contenus utilisés pour entraîner les machines. A l’instar de la régulation des plateformes avec les textes successivement adoptés depuis 2018, la France et l’Europe ont aujourd’hui l’opportunité de proposer un cadre règlementaire équilibré pour ces nouveaux services à travers le projet de règlement sur l’IA.

Nous saluons vivement l’introduction dans ce texte de dispositions spécifiques sur les IA génératives par le Parlement européen. Nous appelons la France à soutenir fermement ce principe de transparence dans le cadre du Trilogue, en s’attachant à préserver et perfectionner les apports de l’article 28b(4) plutôt qu’à coaliser une partie des Etats membres contre cet article qui porte la mise en place d’un cadre pour les modèles de fondation des IA.

L'intelligence artificielle générative (IAG) n'existe que si elle peut se nourrir. Les contenus culturels et les éléments de la personnalité des artistes sont essentiels à cet égard. Or ces ressources à forte valeur ajoutée sont, dans leur très grande majorité, protégées au titre de la règlementation sur les données personnelles, d’une part, et du droit d’auteur et des droits voisins, d’autre part, qui valorisent et protègent les intérêts moraux et patrimoniaux des créateurs et des éditeurs tout en sécurisant les lourds investissements qu’elles sous-tendent.

En effet, depuis plusieurs années, les IAG du type de ChatGPT utilisent de vastes quantités d’œuvres protégées, qu’il s’agisse de musiques, de photographies, de contenus littéraires, audiovisuels, cinématographiques ou de presse, pour entraîner leurs applications et générer de nouveaux contenus. Témoignent de cette utilisation la restitution de passages entiers d’ouvrages sous droit tels que « Harry Potter », la production de nouvelles œuvres reprenant le style d’un artiste, tels que Drake & The Weeknd, Angèle, Johnny Hallyday, pour ne citer que les exemples les plus visibles, ou la reprise de publications de presse protégées par les droits d’auteur et droits voisins. Des contenus alternatifs et potentiellement concurrents des originaux sont ainsi mis à disposition du public, sans pour autant que les services d’IAG concernés aient eu à assumer les investissements inhérents à la création littéraire et artistique.

De fait, ces IAG constituent des sortes de « boîtes noires » qui ne permettent pas aux auteurs, à leurs cessionnaires et ayants droit de savoir si leurs œuvres ont été utilisées, à quelle date elles ont intégré le corpus alimentant l’IA et donc si leurs droits de propriété intellectuelle ont été respectés. Au contraire, il est très vraisemblable que les entraînements d’IAG se fassent depuis plus d’une dizaine d’années sans l’accord des titulaires de droits.

Aussi positive que soit l’obligation de transparence pour les IA génératives introduite par le Parlement européen en mai dernier sous la forme d’un
« résumé des usages concernant des œuvres protégées par le droit d’auteur », elle reste grandement insuffisante. Il est donc essentiel de la renforcer. Afin d’éviter un « blanchiment des données », et pour rendre possible la juste rémunération des ayants droit, nous souhaitons que soit imposé dans l’article 28b(4) le principe d'une transparence totale à travers une liste détaillée des œuvres utilisées par les systèmes d’IAG et leurs sources, liste qui doit être tenue à la disposition des titulaires de droit.

La « petite musique » selon laquelle la transparence demandée par nos secteurs nous ferait rater le virage de l’IA est trompeuse : l’accès aux sources et la conservation des informations d’entraînement sont simples à mettre en place pour un développeur d’IA et constituent le préalable d’une relation vertueuse avec les titulaires de droits.

Il ne s’agit donc pas de créer de nouvelles règles de propriété intellectuelle, mais d’assurer la mise en œuvre effective de nos droits (notamment en cas d’utilisation illégale, d’absence de prise en compte d’un éventuel « opt-out » ou de reprise par des entités commerciales de projets initiés à des fins de recherche), et d’être associés demain au partage de la valeur créée à partir de nos œuvres, de nos articles et de nos contenus.

Sans un tel rééquilibrage de la situation, le risque est grand d’opposer une nouvelle fois acteurs de la culture et du numérique, alors même qu’ils appartiennent désormais au même écosystème économique. Nous avons une conviction : le développement d’une filière d’IA de rang mondial doit aller de pair avec le rayonnement de la création. C’est la rencontre des innovations culturelles et technologiques qui nous ouvrira des potentiels de croissance. La transparence n’en est que le prérequis.

La parole du gouvernement français est toujours écoutée et souvent entendue quand il s’agit de concilier le développement du numérique et la protection des secteurs créatifs et culturels. Alors que la contestation des protagonistes de la création continue de monter dans le monde entier, y compris devant les tribunaux, la France doit encore une fois être au rendez-vous. Au vu de leur impact sur nos activités, les obligations de transparence que nous portons, et qui font l’objet d’un très large consensus au sein de nos industries, sont indispensables et ce dès aujourd’hui.

 

Comptant sur votre lecture bienveillante et votre engagement à défendre et promouvoir une ambition française pour la création à l’ère numérique, nous sollicitons un échange sans délai et vous prions de croire, Madame la Première ministre, en l’assurance de notre haute considération.

 
   

 

1 Rebuilding Europe, The cultural and creative economy after COVID-19, EY, Janvier 2021

 

Signataires :

 

ADAGP                 Société des Auteurs dans les Arts Graphiques et Plastiques

ADAMI                 Organisme de gestion collective des droits des artistes-interprètes AGrAF               Auteurs Groupés de l’Animation Française

Alliance de la Presse

AnimFrance        Syndicat de la production audiovisuelle et cinématographique indépendante d'animation API Association des Producteurs Indépendants

ATAA                    Association des Traducteurs Adaptateurs de l'Audiovisuel ATLF Association des traducteurs littéraires de France

CEMF                    Chambre syndicale des Éditeurs de Musique de France CFC          Centre Français d'exploitation du droit de Copie

CFDC                    Coalition Française pour la Diversité Culturelle CISA   Coordination Inter-Syndicale de l’Audiovisuel COSE-CALCRE Information et Défense des Auteurs

CPE                       Conseil Permanent des Ecrivains

 

CSDEM                 Chambre Syndicale de L'Edition Musicale DVP     Droits Voisins de la Presse

EAT                       Ecrivains Associés du Théâtre

EIFEIL                    Fédération des éditeurs indépendants en France EUROCINEMA Association de Producteurs, de Cinéma et de Télévision

F3C-CFDT             Fédération Conseil, Communication, Culture CFDT (F3C-CFDT)

FASAP-FO            Fédération des Arts, du Spectacle, de l’Audiovisuel et de la Presse Force Ouvrière FNCF   Fédération Nationale des Cinémas Français

FNEF                     Fédération Nationale des Editeurs de Films

FNPS                     Fédération nationale de la presse d’information spécialisée

FNSAC-CGT          Fédération Nationale des Syndicats du Spectacle, de l'Audiovisuel et de l'Action Culturelle GFS    La Guilde Française des Scénaristes

La Maison de Poésie

L'ARP                   Société Civile des Auteurs, Réalisateurs et Producteurs PEN CLUB       Pen Club

PROCIREP            Société des Producteurs de Cinéma et de Télévision SACD   Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques

SACEM                 Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique SAIF     Société des Auteurs des arts visuels et de l’Image Fixe

SAJ                        Société des Auteurs de Jeux

SAPHIR                 Syndicat des Agences de Presse Photographiques

SAPI                      Syndicat des Agences de Presse d’Informations Générales SATEV  Syndicat des Agences de Presse Audiovisuelles

SCA                       Scénaristes de cinéma associés

SCAM                   Société Civile des Auteurs Multimédia

SCFP                     Syndicat des Catalogues de Films de Patrimoine SCPP  Société Civile des Producteurs Phonographiques SDLC       Syndicat des Distributeurs de Loisirs Culturels SEAM        Société des Éditeurs et Auteurs de Musique

SEDPA                  Syndicat des Distributeurs de Programmes Audiovisuel SELF   Syndicat des écrivains de langue française

SEPM                    Le Syndicat des Éditeurs de la Presse Magazine SFA-CGT              Syndicat français des artistes-interprètes

SGDL                    Société des Gens de Lettres

SLF                        Syndicat de la Librairie Française

SN3M                   Syndicat National des Musiciens et du Monde de la Musique SNAC  Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs

SNAM-CGT          Union Nationale des Syndicats d'Artistes Musiciens de France SNE          Syndicat national de l'Edition

SNEP                     Syndicat National de l'Edition Phonographique SOFIA     Société Française des Intérêts des Auteurs de l’écrit SPCS       Syndicat de la Presse Culturelle et scientifique

SPECT                   Syndicat des Producteurs et Créateurs de Programmes Audiovisuels SPI   Syndicat des Producteurs Indépendants

SPIAC-CGT           Syndicat des Professionnels des Industries de l'Audiovisuel et du Cinéma SPIIL      Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne

SPPF                     Société Civile des Producteurs de Phonogrammes en France SRF          Société des réalisatrices et réalisateurs de films

SudAnim              Association des Professionnels de l'Animation en région Sud U2C  Union des Compositrices et Compositeurs

U2R                      Union des réalisatrices et des réalisateurs

ULM                     Union des Librairies Musicales

 

UNAC                   Union Nationale des Auteurs et Compositeurs UNIFAB         Union des Fabricants

Union des Poètes et Cie

UPC                      Union des Producteurs de Cinéma

UPFI                      Union des Producteurs Phonographiques Français Indépendants UPP               Union des Photographes Professionnels

USPA                    Union Syndicale de la Production Audiovisuelle

Cc.

Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur

Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances, de la Souveraineté industrielle et numérique Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications Philippe Aghion et Anne Bouverot, coprésidents du Comité de l’intelligence artificielle générative

 

 

LIRE la tribune du Monde : ICI

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